Ils sont plusieurs dizaines de soldats à avoir été arrêtés, les jours qui ont suivi l’assassinat du Colonel Bitala Madjoulba. Bientôt deux ans que ces fils, frères, pères et citoyens togolais sont privés de leur liberté. Pour quel crime, étant donné que certains ont été arrêtés pour des motifs d’une triste légèreté.
Que s’est-il passé à la suite de l’assassinat du Colonel Bitala Madjoulba, ancien chef corps du premier Bataillon d’Intervention Rapide (BIR)? Une enquête a été ouverte au lendemain de cet odieux assassinat, mais bientôt deux ans, la lumière n’a toujours pas été faite.
Selon des informations de source, ils sont des dizaines de gendarmes de différents grades à être arrêtés à la suite du meurtre. Parmi eux, il y a au moins un lieutenant et des soldats sans encore de grade parce qu’enrôlés peu de temps avant l’assassinat de l’officier supérieur de l’armée togolaise. A certains, les seules questions qui leur ont été posées seraient de savoir ce qu’ils ont fait le jour de l’assassinat et où ils ont dormi. A en croire notre source, ce sont des blancs qui les avaient interrogés.
Si beaucoup parmi les prévenus sont des garde-corps du Colonel, il y en a qui ont été arrêtés pour des motifs très légers. Comme le cas d’un soldat qui a eu le malheur d’être contacté par un des gardes qui lui aurait demandé de passer le téléphone à sa femme. Ce qu’il a fait et le garde-corps a pu parler à sa femme. Ce faisant, le numéro contacté a figuré dans la liste des appels effectués. « Connaissez-vous tel soldat ? Il est qui pour toi ? » Ce sont les quelques questions à lui posées puis hop, il est embarqué dans le lot. Voilà son crime.
On apprend que hormis les vendredis où certains sont extraits de leur cellule pour revoir le soleil de 9 heures à 15 heures, ils passent les autres jours entre quatre murs, sans fenêtres.
Combien sont-ils à subir les affres de la détention ? Ils sont assurément au moins une vingtaine dont sept dans la cellule située à l’entrée principale de l’ancienne Gendarmerie située en face la BIDC, quatre à l’autre entrée qui est condamnée depuis des lustres et qui ouvrait sur l’avenue de la libération, un lieutenant gardé au camp RIT ; mais d’autres seraient enfermés à l’ANR et un dernier lot détenu au camp où l’assassinat a eu lieu. Combien sont-ils exactement ? On en saurait le dire.
Il y a la situation d’un lot de soldats qui dérange aussi. Ceux sont des garde-corps du Colonel Madjoulba qui ne le suivaient que dans le cadre du service. Autrement, ils étaient chargés de garder sa maison. Toujours selon des indiscrétions, le jour d’investiture, le 03 mai 2020, ils avaient été consignés au camp, pour prévenir d’éventuels troubles. Le Colonel s’était rendu à l’investiture avec son chauffeur, pour ne revenir que dans la soirée. C’est alors qu’en ressortant, le chauffeur leur aurait dit qu’ils pouvaient rentrer, vu qu’il ne s’était rien passé. On était samedi soir. Et le crime était survenu cette nuit-là.
Le lundi qui a suivi, ils étaient conduits à la Brigade de recherche et d’investigations pour être interrogés. Le jour suivant, le mardi, ils ont été conduits, chacun à son domicile pour des perquisitions et des fouilles. Et sans leur avoir signifié la raison, ils ont été gardés depuis lors.
Mais en avril de l’année dernière, soit près d’un an après, ils ont été extraits pour se faire établir des procès-verbaux ; à ce titre, ils devraient se considérer comme étant devant un procureur de la République. Et pas comme devant un tribunal militaire. Ils devraient alors jurer sur la tête de leurs enfants et parents que tout ce qu’ils disent est de la vérité. Ce qu’ils ont tous fait. Puis, sans qu’on sache exactement pourquoi et comment, huit parmi eux ont été libérés sans autre forme de procès. Le reste continue de croupir dans des geôles, éparpillé sans raison.
Il y a aussi le cas des nouvelles recrues, des classes 2019 et 2020 n’ayant pas encore six mois d’activité militaire dans les bras qui étaient de garde la nuit du crime et qui sont toujours en détention.
Les soldats ont-ils les mêmes droits que les civils, ceux de réclamer des dommages pour la détention arbitraire ? Avant d’être des hommes d’armes, ce sont des civils ayant des droits. Lorsque des enquêtes ne permettent pas d’accuser un soldat, celui-ci doit être non seulement élargi, mais surtout dédommagé pour son séjour carcéral abusif. C’est aussi simple que ça. On ne doit pas, au nom du surnom de « grande muette », abuser des droits de ceux qui sont censés défendre le drapeau national.
On a souvent et de tout temps accusé la grande muette de prendre fait et cause pour régime en place. Mais si le même régime doit user et abuser du droit en maintenant des soldats dans les liens de la détention sans que les griefs à eux reprochés ne leur soient signifiés, il y a alors danger et péril en la demeure.
Source : Liberté
“On en saurait le dire.” ou On ne saurait le dire?”