La rencontre entre le pouvoir et les responsables des partis politiques, résultante des dernières attaques terroristes perpétrées sur le sol togolais, s’est tenue le 4 août dernier à Lomé. De cette rencontre, difficile de retenir grand-chose, outre le fait que le pouvoir a échoué à ratisser large. L’absence de Faure Gnassingbé, le siège de strapontin imposé à l’opposition dans une si importante réunion, ainsi que le mauvais casting confié plus au ministère de l’Administration territoriale qu’à la présidence, sont passés par là. C’est peu dire que le pouvoir a du pain sur la planche.
C’était Victoire Tomégah-Dogbé, le Premier ministre, qui avait tenu les dés de la conversation lors de cette rencontre d’échanges entre autorités et partis politiques. Cette rencontre, nous a-t-on appris, visait à unifier les forces de la nation pour faire front commun contre le terrorisme. Pour Christian Trimua, porte-parole du gouvernement, « c’est le Togo dans son entièreté qui est attaqué, dans ce contexte, naturellement, l’union de toutes nos forces, de toutes les forces politiques face à l’adversité, est indispensable».
Mais la rencontre est loin d’avoir été de goût de bien de certains opposants : « J’ai demandé comment ce front uni va se faire lorsque le gouvernement entrave le travail des partis politiques et méprise aussi la population ? », s’est interrogé Francis Pedro Amuzu qui avait représenté Jean-Pierre Fabre, de l’Alliance nationale pour le changement (ANC).
On saluera tout de même cette initiative du gouvernement. Mais ce qui est perçu par certains comme une intention dégoulinant de bonnes intentions cache la gêne de l’échec programmé de ce qui devrait aboutir à un sans-faute, car la forme de l’invitation est pour le moins discutable.
Primo, inviter les responsables des partis politiques en passant non pas le canal de la présidence elle-même, mais par le ministère de l’Administration territoriale, est une façon de manquer de respect à une opposition qui ne mérite pas autant de désinvolture.
Ensuite, faire tenir une telle rencontre par une personnalité autre que le chef de l’Etat lui-même, enlève le caractère sacré à cette réunion qui devait être placée non seulement sous des auspices dignes de foi, mais encore confiée à un aréopage où la présence du président lui-même est de rigueur. Le terrorisme est un sujet trop grave pour être évoqué dans un cercle de réflexion où il manque la présence du président de la république. Qu’est-ce qu’il en coûte à Faure Gnassingbé d’endosser le rôle qu’il a confié à Victoire Tomégah-Dogbé ? Quel crédit accorder à une rencontre où le chef d’orchestre, qui devrait réunir toutes les sensibilités nationales, a brillé par son absence ? Prendre les clés du camion en des situations pareilles et échanger de vive voix avec les responsables des partis politiques aura non seulement pour effet de mettre – un temps – les rieurs du côté présidentiel, mais le conforter dans une position de parti rassembleur vu l’enjeu du thème de la rencontre, même si beaucoup de ses interlocuteurs ne se retrouvent pas dans sa politique. Victoire Tomégah-Dogbé a beau tiré les marrons du feu, le costume est trop grand pour elle.
On comprend difficilement qu’un chef d’Etat vole sans cesse au secours de ses pairs pour jouer les médiateurs, mais qu’il soit bien incapable d’en faire autant quand son propre pays est en butte à un déficit sécuritaire lié à une crise sociopolitique qui a besoin des mêmes remèdes qu’il va prodiguer sous d’autres cieux.
L’autre pas de clerc du pouvoir est la mauvaise habitude de toujours sous-estimer le tribut de savoir-faire, de base électorale et de brainstorming que peuvent apporter les responsables politiques qui, quoi qu’en disent les autorités, ont bien des rôles à jouer dans cette lutte contre le terrorisme. La carte électorale nous a par le passé montré l’enthousiasme que suscite plus d’un opposant dans les zones aujourd’hui touchées par le djihadisme.
Aller à la rencontre des populations, discuter avec elles, leur réitérer la « ferme résolution à rester unis et solidaires », comme l’avait fait Faure Gnassingbé dans la foulée des dernières attaques terroristes soldées par des pertes en vies humaines dans la région des Savanes, (le Tône et le Kpendjal), et dans le même temps traiter de Turcs à More ceux qui répondent d’eux, en l’occurrence les opposants qui y ont tissé leur toile revient à agrandir un peu plus le vide communicationnel laissé par des antécédents comme l’affaire sans queue ni tête que représente Tigre Révolution (affaire qui continue de faire des morts du côté de l’opposition avec ses lots de détenus toujours arbitrairement écroués). Cette affaire, d’aussi loin qu’il nous souvienne, a privé l’opposition de nombre de ses militants écroués et dont les parents se situent dans des régions où Faure jouait l’évangéliste. Il y en a aussi des élèves et enseignants jetés en prison pour avoir participé à des mouvements de revendications des syndicats. Comment convaincre avec le passif de prédateur qui colle à la peau du pouvoir.
Le Togo joue son va-tout dans sa lutte contre le terrorisme, et à ce titre, le pouvoir n’a plus droit à l’erreur. Il doit s’attacher tous les responsables des partis politiques qui sont au demeurant les plus représentatifs de la société togolaise. La vitalité de la lutte contre l’hydre en dépend.
Sodoli KOUDOAGBO
Source: Le Correcteur / Titre original : Echange du gouvernement avec les partis politiques sur fond de lutte contre le terrorisme: Pourquoi le mauvais casting du pouvoir complique tout