Hormis le président qui semble un esprit nouveau –au sens juridique du terme et non politique-, le reste des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) n’a pas effectué sa mue pour se conformer aux textes que l’institution s’est donnés. Encore neuf mois et les magistrats admis dans ce conseil auront bouclé un 3ème mandat illégal et contraire aux normes.
Si au moins, ils avaient été remarqués par leur utilité durant les 3 ans et 3 mois supplémentaires au cours desquels ils ont continué à toucher des cachets, on comprendrait. Avec le récent mouvement au sein de la magistrature, doit-on se dire : place bientôt à de nouveaux visages au CSM ?
Depuis plus de 3 ans et bientôt 4 mois, l’illégalité perdure au sein du Conseil supérieur de la magistrature. A l’exception du nouveau président qui, à la faveur d’actes peu vertueux couplés à l’âge consacré pour la retraite de son prédécesseur, a pris la relève depuis le 8 décembre 2020.
Moins de deux ans plus tard, soit le 17 octobre 2022, le vaste mouvement tant attendu au sein de la magistrature a eu lieu, même s’il est évident que le décret d’affectation ne ravira pas le cœur de tous les magistrats, pour des raisons justifiées ou non.
Et pourtant, rien ne laissait présager que le Togo allait laisser le CSM dans l’état où il est à ce jour. En janvier 2018, suite à une correspondance datée du 12 décembre 2017 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, la Mission permanente de la République Togolaise auprès de l’Office des Nations Unies renseignait que le Conseil supérieur de la magistrature est composé de neuf membres : trois magistrats de la Cour suprême, quatre magistrats des Cours d’appel et des tribunaux, un député à l’Assemblée nationale et une personnalité choisie par le Président de la République.
« Les magistrats sont élus par leurs pairs et le député, par l’Assemblée nationale, tous pour un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois », peut-on lire dans les réponses de la Mission permanente. Le mandat des membres a expiré depuis août 2019 ! Sauf pour le nouveau président. C’est dans cette situation de mandat expiré que des juges ont été sanctionnés. L’un d’entre eux a eu le courage de dénoncer l’illégalité de ceux qui l’ont condamné. Il pourrait en être de même si aujourd’hui, un autre magistrat devrait comparaître devant le CSM actuel.
Un nouveau bureau en téléchargement ?
Un esprit saint dans un corps sain, dit-on. Les affectations tant attendues ont finalement eu lieu le 17 octobre dernier. C’était le préalable au renouvellement des membres siégeant dans l’instance chargée de la sélection, la désignation, la promotion, le transfèrement, la suspension ou la révocation des juges.
Désormais, plus grand-chose n’entrave la formation du nouveau conseil devant acter la fin du deuxième mandat qui était devenu trop élastique. De nouvelles têtes sont donc attendues. Mais il faut reconnaître que tous les magistrats membres du bureau actuel ne sont pas des parangons de vertu.
« Deux juges viennent d’être lourdement sanctionnés pour corruption. Mais avant eux, une plainte incriminant des juges siégeant au sein de ce même CSM dort sur la table du ministre, de l’Inspecteur général des services juridictionnels et pénitentiaires, et du président de la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) », dénonçait le journal qui poursuivait : « Dans une plainte déposée sur la table du président de la HAPLUCIA, des noms de juges siégeant au CSM sont apparus comme étant mouillés dans une affaire foncière qui risque de voir déloger de leurs maisons une centaine d’acquéreurs de bonne foi au quartier Agoè Klévé. Tous ceux qui ont participé au prononcé des sanctions [Ndlr, contre les deux juges] sont au courant, sans exclusive. L’Inspecteur général Alfa Adini, le ministre Puis Agbetomey, Gamatho Akakpovi lui-même, Kodjo Gnambi Garba, Essolissam Poyodi, tous savent ce qui se passe au quartier Agoè Klévé contre des citoyens togolais… », avions-nous écrit il y a deux ans.
Si vraiment les magistrats sont élus par leurs pairs, il est alors clair que tout magistrat dont la probité et le haut degré de justice est connu de ses pairs peut déposer sa candidature. Et donc l’accès au CSM ne doit pas être lié au poste occupé, encore moins à l’âge. Ne dit-on pas qu’aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ?
Il est connu qu’il existe des magistrats dont la moralité ne souffre que d’un excès d’évidence. Tout comme il en existe qui, du haut de leurs titres, trainent des casseroles toutes plus bruyantes les unes que les autres.
Le temps semble venu pour qu’enfin le CSM reflète l’image que doit renvoyer la justice togolaise : dynamique, juste, impartiale et en laquelle le citoyen redonne confiance. Le nouveau président doit y veiller. Une sagesse juive dit : « l’épée apparut dans ce monde à cause du retard de la justice ». Le CSM a le devoir de rattraper ce retard.
Liberté Togo