Respect de la Constitution, Reddition des comptes…: La énième Leçon de Talon à Faure

C’est une obligation inscrite dans la Constitution de beaucoup d’Etats et faite aux premiers dirigeants de rendre compte de leur gouvernance par le biais d’un discours devant les députés à l’Assemblée nationale sur l’état de la Nation et nombre d’entre eux s’efforcent de respecter cette prescription. L’illustration en date, c’est Patrice Talon au Bénin, qui s’est exécuté jeudi dernier. Une leçon de plus à son voisin de l’ouest qui n’en a cure…

Au Bénin, Patrice Athanase Talon s’est déféré au rituel constitutionnel, le discours sur l’état de la Nation. C’est un exercice qui donne une photographie de la gouvernance et une sorte de bilan des douze (12) mois écoulés et un aperçu de ce qu’il va advenir dans les 12 suivants. Le Président béninois s’est exécuté jeudi dernier, devant l’Assemblée nationale à Porto-Novo. Talon a donc fait aux députés et indirectement au peuple béninois une sorte de bilan de sa gestion sur les 12 mois passés somme toute acceptable, même si certains peuvent lui reprocher de se tisser des lauriers, et s’est projeté sur la nouvelle série à venir, avec de belles promesses à faire pâlir d’envie. La plus grande action/annonce, c’est sans doute l’augmentation du Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) de 40 000 à 52 000 FCFA, soit une hausse de 30 % et la revalorisation substantielle des salaires.

Morceaux choisis du discours de Talon

« Un conducteur de véhicule administratif passerait de 62 645 FCFA à 104 024 FCFA, soit une augmentation de 41 379 FCFA correspondant à 66 % d’augmentation (…) Un instituteur passerait de 112 381 FCFA à 150 479 FCFA, soit 38 097 FCFA correspondant à 34 % d’augmentation (…) Une sage-femme dont le revenu net actuel est de l’ordre de 144 533 FCFA se retrouverait à 182 141 FCFA, soit 37 608 FCFA de plus équivalant à 26 % d’augmentation»; « Nous ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin. D’ores et déjà, nous engageons les travaux pour une nouvelle amélioration substantielle des salaires de certaines catégories d’agents, notamment les futurs enseignants de disciplines scientifiques, techniques et professionnelles en vue d’améliorer l’attractivité de ses métiers pour le comblement des déficits actuellement observés » ; « Notre grand projet de promotion de l’enseignement et la formation techniques et professionnels entrera dans une phase décisive en 2023 où l’ouverture des chantiers de construction ou de réhabilitation des lycées techniques agricoles et des écoles de métiers sera une réalité. Tous les préalables sont désormais satisfaits à cet effet » ;

« (…) Des transferts monétaires seront faits à 30 000 adolescentes et filles scolarisées des 77 communes pendant 3 ans. Des kits scolaires leur sont également distribués sans oublier des bourses d’accompagnement aux études universitaires, attribuées aux 10 meilleures filles par département, à raison de 38 500 FCFA chacune par mois, pendant 10 mois et sur 3 ans » ;

« De façon toute particulière, dans chaque département, des bourses d’études sont aussi attribuées aux 10 meilleures élèves filles inscrites dans les filières scientifiques, techniques et professionnelles à raison de 27 500 FCFA par mois pendant 10 mois sur 3 années dans tous les départements du pays » ;

« Nous assisterons à l’achèvement prochain de l’hôpital de référence d’Abomey-Calavi et à la construction d’autres centres de santé non moins importants. Plus encore, dès 2023, nous lançons la réhabilitation des 725 centres de santé de notre pays, des centres hospitaliers universitaires et des 21 hôpitaux de zone. Cette action d’envergure concerne également la mise aux normes des plateaux techniques ».

Enième leçon à Faure Gnassingbé

Tout comme au Bénin ou ailleurs, le discours sur l’état de la Nation devant les députés est une obligation bien inscrite dans la Constitution togolaise. « Le président de la République peut adresser des messages à la Nation. Il s’adresse une fois par an au Parlement sur l’état de la nation », stipule l’article 74 de la loi fondamentale dans sa version modifiée du 15 mai 2019, conformément aux recommandations de réformes constitutionnelles et institutionnelles de l’Accord politique global (APG) du 20 aout 2006. Mais Faure Gnassingbé ne croit pas devoir s’y plier – dans le sérail, on s’arc-boute autour du verbe « peut ».

En effet, le « Prince » ne trouve pas la nécessité de faire annuellement en fin d’année des discours sur l’état de la Nation, et ainsi rendre compte de sa gouvernance aux populations togolaises qui l’éliraient depuis quatre scrutins et l’auraient adoubé en février 2020 à plus de 70 % des suffrages selon les résultats officiels et définitifs. Cela fait dix-sept (17) bonnes années qu’il préside aux destinées du Togo et donc autant de fois qu’il devrait faire de discours sur l’état de la Nation. Mais on n’a pas souvenance qu’il s’est plié en fin d’année à cet exercice pourtant constitutionnel. On se rappelle qu’une fois, il avait fait ce qui s’apparente à un état de la Nation devant les députés. Mais c’était en 2019, à la veille de la célébration du 59e anniversaire de l’indépendance du Togo. Sauf surprise agréable, Faure Gnassingbé ne se pliera guère à l’article 74 de la Constitution togolaise.

Tout ce à quoi les Togolais ont droit de sa part, ce sont les discours (de veille) des 27 avril ou encore de la Saint-Sylvestre où il se voit obligé (sic) de parler à ses compatriotes. Même s’agissant des messages de fin/début d’année, ce n’est pas tout le temps respecté. Et ce sont plus des occasions pour se tisser des lauriers. Pas d’annonces fortes pour les douze mois à venir et matérialisées dans les faits. La reddition des comptes sacralisée ailleurs, ne semble nullement la chose la mieux partagée ici. Au Togo, les gouvernants n’ont que faire de cette vertu pourtant fondamentale en démocratie. Manque de respect au peuple togolais, vous avez dit ?

Patrice Talon est, peut-être, tout sauf un parangon de vertus. Certaines de ses décisions politiques sont condamnables. Il lui est reproché, à tort ou à raison, d’avoir fait reculer la démocratie béninoise autrefois brandie comme un modèle en Afrique de l’ouest. L’un des plus gros trous noirs de sa gouvernance, c’est sans doute l’emprisonnement de ses opposants dont Reckya Madougou manifestement victime d’une chasse aux sorcières. Mais en se déférant à cette obligation, il respecte la Constitution du Benin et l’obligation de reddition des comptes. Une leçon de gouvernance de plus à Faure Gnassingbé, à côté des nombreuses déjà évoquées. Peut-être que cet exemple l’inspirera et ce dernier s’exécutera pour une première fois cette année.

Attendons de voir.

Source: L’Alternative / presse-alternative.info

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