Pourquoi ne pas attribuer la prochaine Coupe d’Afrique des Nations conjointement à l’Algérie et au Maroc ? Ainsi, au moins, ces deux pays se rappelleront qu’ils sont frères et, peut-être, apprendront-ils à vivre ensemble…
Privés d’une autorisation pour franchir l’espace aérien de l’Algérie, pays-hôte, les footballeurs du Maroc se trouvent, de fait, exclus de la septième édition du Championnat d’Afrique des nations (le Chan). Comment comprendre que le contentieux entre les deux pays, à propos du Sahara occidental, puisse faire, encore aujourd’hui, de tels dommages collatéraux ?
Bien que le Chan ne soit pas une compétition majeure, cet incident revêt une dimension continentale, comme tant d’autres problèmes mal résolus, dont les conséquences finissent, tôt ou tard, par rattraper l’Afrique. Ce qui est en cause ici, c’est, en l’occurrence, une fâcheuse propension des dirigeants africains à croire qu’il suffit d’ignorer les problèmes, pour qu’ils cessent d’exister.
C’est début novembre 1975, que l’Afrique découvre l’existence de ce qui se dénommait encore Sahara espagnol. Pendant qu’à Madrid, le général Franco poursuivait sa longue agonie, dans un contexte de transmission des prérogatives de chef d’État à Juan Carlos, le roi Hassan II mobilisait quelque 350 000 Marocains dans la « Marche verte », pour ce qu’il estimait faire partie intégrante du Sahara marocain. Franco meurt deux semaines plus tard et l’Espagne, sur la pointe des pieds, s’esquive, sans même accorder un semblant d’indépendance à ce territoire, alors ballotté dans une espèce de triangle d’incertitudes.
Les indépendantistes du Front Polisario, notamment avec le soutien de l’Algérie, se retrouvent en guerre contre le Maroc et la Mauritanie. Certes, beaucoup s’abritaient alors derrière le sacro-saint droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais, d’aucuns soupçonnaient Alger – qui n’avait de façade maritime que sur la Méditerranée – de vouloir, avec un Sahara occidental contrôlé par ses amis du Polisario, un débouché stratégique sur l’océan Atlantique.
Peut-on dire que l’Algérie l’avait emporté, avec l’admission de la République arabe sahraouie démocratique comme État-membre de l’Organisation de l’Unité africaine ?
Sans aucun doute. Mais, embourbée dans ses réalités internes et ses propres contradictions, l’Algérie a, de fait, échoué à faire éclore au Sahara occidental l’État qu’elle souhaitait. Elle n’a pas assez aidé à donner un contenu à la notion d’État dont se prévalaient les dirigeants de la RASD [République arabe sahraouie démocratique]. Non seulement la réalité de cet État était problématique, mais il était devenu un facteur de division de l’Afrique.
À la suite de cette admission, le Maroc allait quitter l’Organisation panafricaine, pour n’y revenir que trois décennies plus tard, sans d’ailleurs exiger une quelconque exclusion de la RASD. Par contre, les Marocains avaient, entretemps, travaillé à inverser les rapports de force sur ce territoire. Au point de donner, ces dernières années, l’impression de le contrôler. Et, comme souvent, dans les contentieux historiques, lorsque l’un des protagonistes perd la face sur l’échiquier principal, il se défoule sur d’autres terrains, périphériques. En ce mois de janvier 2023, c’est le football qui paie pour les déboires politiques de l’Algérie au Sahara occidental. Et il en sera ainsi, aussi longtemps que les dirigeants africains n’auront pas le courage de crever définitivement ce vieil abcès.
Il n’empêche que l’Algérie semble réussir son Chan, notamment avec ce stade Nelson Mandela…
Convier le nom et l’image de Mandela à une manifestation marquée à un tel point par l’exclusion, quelle habileté ! Sauf que le panafricanisme ne ferme pas ses frontières aux voisins et aux frères…Si c’était un piège, les Algériens y ont sauté à pieds joints ! Voilà la CAF à présent bien embarrassée, alors qu’elle va devoir désigner le pays-hôte de la prochaine CAN. Quelle pertinence y aurait-il à l’attribuer à un État qui se réserverait le droit d’empêcher tel prétendant au titre d’accéder à son espace aérien ?
Tenez, une idée… Pourquoi ne pas l’attribuer conjointement à l’Algérie et au Maroc ? Ainsi, au moins, apprendront-ils à vivre ensemble…
Jean-Baptiste Placca/RFI
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