[L’Éditorial] La démocratie électoraliste à l’épreuve des bottes

Il y a plusieurs mois déjà ! Du Mali au Burkina Faso en passant par la Guinée, que se passe-t-il dans cette partie de la francosphère africaine ?

La démocratie électoraliste vendue moins chère en Afrique noire francophone a montré ses limites. Elle est crisogène, porteuse de frustrations et de ressentiments à cause des procédures électorales opaques couplées à une domestication éhontée de la mal gouvernance, de la corruption et de l’impunité de l’élite dirigeante.

La complaisance des apprentis sorciers du développement face aux dérives autoritaires et aux mauvaises performances démocratiques d’une élite ploutocratique est scandaleuse. Il faut en tirer les leçons et composer avec la reconfiguration géopolitique qui s’opère en Afrique depuis le printemps magrébin y compris l’acceptation des alliances avec d’autres puissances rivales comme la Russie et la Chine.

Combattre le changement en cours avec les vieilles recettes risque de coûter cher à la France dans cette Afrique jeune et branchée qui cherche à s’affirmer et à prendre ses responsabilités face à une logique de coopération politico-militaire totalement surannée.

La France doit juste faire preuve d’intelligence stratégique pour comprendre les aspirations profondes légitimes des peuples africains. Les africains n’ont rien contre le peuple français ni contre le français. Mais beaucoup d’africains refusent de subir l’humiliation et le mépris que leurs parents ont dû subir parce qu’ils n’avaient pas de choix il y a des décennies.
Une jeunesse africaine hyper connectée ne peut pas tolérer le jeu dangereux mené par la diplomatie de l’ombre conduite pas des bureaucrates chevronnés, loin des hostilités d’un ennemi invisible qui impose sur le terrain une adversité redoutable et une guerre asymétrique et psychologique avec des armes parfois silencieuses dont les minutions sont le chômage et la misère.

Cette diplomatie est projetée dehors par des formules généreuses de coopération et de création de richesses mais en réalité, elles portent en elles les germes de la désespérance des masses. Des germes qui finissent tôt ou tard par faire éclore auprès des citoyens désabusés, les sentiments dégagistes quand les Hommes en bottes ne sont pas déjà servis du barillet pour réduire en silence le prince du palais royal.
C’est vrai que l’héritage de la république des barbouzes et des espions philanthropes est lourd à porter par la nouvelle classe politique française mais elle doit faire preuve de réalisme en regardant dans le rétroviseur d’un passé colonial mal assumé ou difficile à assumer. Elle doit regarder aussi dans le miroir pour affronter son propre image afin de se débarrasser du complexe de supériorité jalonné par une attitude condescendante d’anciens colons qui ont la nostalgie des injonctions et des leçons à donner aux moutons de Panurge des années pré-indépendance.
L’empire qui ne veut pas mourir de Thomas Borrel et al. résistera-t-il une fois encore aux vagues géantes qui déferlent dans le sahel et dont les buées risquent d’inonder les terres arides des peuples qui ont su dompter une nature moins clémente depuis des siècles ?

Pour éviter une chute libre et fracassante, il faut accepter dans la douceur la fin de cet empire atypique dont la longévité est à la hauteur de ses ambitions funestes contre des peuples qui n’aspirent qu’à la dignité, à la paix et la prospérité partagée avec d’autres peuples dans le respect et la considération mutuelle.

José-Éric K. GAGLI

Source : Togonyigba

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