Quel est le sens de la paix quand les libertés fondamentales des populations sont abusivement bafouées ? Selon le célèbre journaliste Burkinabè Norbert Zongo, « les dictateurs affectionnent les peuples couchés. C’est la position qu’on retrouve dans les cimetières ».
Depuis longtemps, le pouvoir des Gnassingbé de père en fils au Togo, a fait de la paix son slogan de tous les jours. Et pourtant la violence politique et la violation des droits de l’homme sont une constance, la fraude électorale et le pillage des ressources publiques une culture. Comme l’a déclaré le représentant du groupe parlementaire ANC au parlement, à l’occasion de la présentation du programme du gouvernement du premier ministre issu de l’élection présidentielle de 2015, « au Togo, on n’hésite pas à bourrer le gouvernement de bourreurs d’urnes, et cela ne choque personne ». Pour paraphraser un évêque ivoirien, les gouvernants volent l’argent du pays et leurs militants volent les élections pour eux. Tout ceci dans un silence de cimetière.
Le Jeudi 15 juin 2023, les militants du PNP (Parti National Panafricain) à savoir Messieurs Sibabi Guefé Nourindine, Alfa Ibraïm et Gafar ont été déclarés non coupables pour tous les chefs d’accusation portés contre eux par le tribunal de grande instance de Lomé après 504 jours de détention arbitraire. Voilà comment le pouvoir du Togo impose la paix sans se soucier des conséquences sur la vie des honnêtes citoyens. Pour le cas d’espèce, des exemples sont légions. On peut citer les cas des détenus dans l’affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara, et des militants de l’opposition arrêtés à la suite des manifestations programmées par les partis politiques légalement constitués. D’autres encore sont morts en détention sans pour autant que, le pouvoir ne puisse envisager une forme indemnisation de toutes ces victimes innocentes, dont la culpabilité n’a jamais été prouvée par une décision de justice. Mais au contraire tout le monde se mut dans le silence par instinct de conservation. Comme le disait Machiavel, « les hommes se vengent des petites offenses, les grandes, ils ne peuvent ». La preuve, les populations de sokodé, de Bafilo, Kara et de mango après les violences militaires qui leur avaient été imposées au dernier trimestre de l’année 2017 sont rentrées dans les rangs.
Ce fut le cas des populations de Lomé, d’Atakpamé et Sokodé en 2005, au lendemain de l’élection présidentielle contestée, le pouvoir togolais à réussi à imposer la paix par le silence, par une violente répression.
La question aujourd’hui, c’est la même que s’était posée le célèbre chanteur Bassar Hui Tassane : « cela va durer encore pour combien de temps? »
Face à cette situation, tous les Togolais sans exception aucune sont interpellés. L’injustice a atteint un niveau où tout le monde devrait s’indigner, car personne ne sait à quand arrivera son tour.
Les preuves des violations des droits de l’homme se multiplient à travers les jugements et les condamnations de l’État togolais par la cour de justice de la CEDEAO.
Alors, que dire ? Le fils est-il différent du père ? Ou au contraire, est-il pire que son géniteur ?
La dernière preuve de violation des droits de l’homme est cette décision de la cour de justice de la communauté ouest africaine du 7 juin 2023, concernant 10 togolais dans l’affaire dite » tigre révolution ».
L’on se souvient encore, en mars 2022 de la condamnation de l’État togolais dans l’affaire qui l’opposait à Agbéyome kodjo, sans oublier les affaires Ametepé Koffi en 2016, Kpatcha Gnassingbés et celles des neufs députés de l’ANC abusivement révoqués de leur mandat parlementaire en octobre 2010.
Selon l’activiste togolais des droits de l’homme Joseph Takeli, « le togolais est traqué et matraqué dans son propre pays ». Les journalistes Fernand Ayeté, Joël Ega, Jacob Ahama sans oublier Carlos Ketohou qui a été victime de toutes les formes d’humiliation avant la fermeture abusive de son journal « L’indépendant expresse » avant de prendre le chemin de l’exil, montre qu’il y a une chape de plomb qui pèse sur le Togo du fils comme ce fut le cas du vivant du père. Au fond rien n’a changé malgré les apparences. Il faut reconnaître que les journalistes sont en train de payer le prix, un lourd tribut à cause de leur engagement au service du peuple. Tout est fait pour réduire le peuple togolais au silence. Ce qui explique en partie le niveau du stress et des cas de suicides qui frappent tous les corps de métiers depuis un moment.
L’autre question non moins importante, c’est de savoir si les magistrats togolais sont-ils incapables ou incompétents pour dire le droit. Ou alors manquent-t-ils de leadership et d’audace? A voir toutes ces condamnations de l’État togolais par la cour de justice de la CEDEAO, des condamnations qui non seulement, détruisent l’image du pays à l’extérieur, mais aussi engrangent beaucoup de dépenses inutiles sur le dos du contribuable togolais.
Au demeurant on peut affirmer sans se tromper que, face à des affaires qui incriminent les opposants et les journalistes les plus critiques au régime togolais, la justice togolaise ne semble pas juste. Même le comité des droits de l’homme de l »ONU a eu à formuler des recommandations à l’ endroit de l’État togolais en matière des droits de l’homme. A ce jour, ces recommandations tardent à être exécutées. En empruntant le style du préfet de la Kozah sur la question à kara, on dira que le problème de droit de l’homme au Togo est même connu de l’ONU.
Il est important de rappeler que, la vie n’est meilleure que dans une cité qui garantit la sécurité et la solidarité dans le respect de la dignité pour tous. Ceci est notre credo afin de permettre la coordination des actions individuelles et collectives pour le développement dans l’intérêt de tous les citoyens. Pour notre part, c’est seulement, lorsque la justice sociale, facteur de la cohésion sociale, qui n’est que le fait de la justice pour tous, l’équité et l’égalité des chances au départ dans tous les compartiments de la vie publique, existe dans la société qu’on peut parler de la Paix, la vraie.
On ne peut pas brandir la paix comme un slogan alors même que l’on a mis tout en place pour restreindre les espaces de liberté. On devient un fossoyeur de l’indépendance du peuple chèrement acquise lorsqu’on va jusqu’à interdire les activités des partis politiques et des organisations de la société civile. Tout ceci à l’effet de les faire disparaître et se targuer du titre de « l’homme de la paix », de « doyen des chefs d’Etat » de la sous région sans pour autant le mériter dans son propre pays.
La preuve, la 133e session de la Conférence de Évêques du Togo (CET) tenue le vendredi 16 juin 2023 a, dans ses recommandations, interpellé le gouvernement togolais à qui elle a demandé » la libération des prisonniers politiques », et formulé un plaidoyer pour « le respect des libertés de tous ordres ».
Nous nous félicitations de cette prise de position des hautes instances du clergé catholique, qui nous réconforte dans notre engagement clairement exprimé depuis un moment dans ce combat.
On ne le dira jamais assez, la déchirure du tissu social au Togo est la conséquence de l’instrumentalisation à outrance des institutions de l’État telles que l’armée, la CENI, la justice pour ne citer que ça. Ceci dans le seul but de conserver le pouvoir at-vitam æternam. Cela ne peut pas du tout garantir la vraie PAIX malgré les apparences.
Sans nul doute, le pouvoir togolais a réussi à imposer une forme de paix, une Clowerie sans aucun respect de la douleur, de la souffrance du peuple togolais « par la peur », dans l’indifférence des cris, des larmes et le sang de ce peuple martyr. Pour combien de temps encore le peuple togolais va-t-il s’organiser pour délier l’opprobre dans lequel il s’est retrouvé depuis la catastrophe du 13 janvier 1963? Depuis ce jour, un pouvoir militaire à façade civile à imposer le silence en lieu et place de la PAIX comme au cimetière.
OURO-AKPO Tchagnaou,
Président du mouvement Lumière pour le Développement dans la Paix (LDP)