Par Ayayi Togoata APÉDO-AMAH
Dire que Joël Amah Ajavon est un grand nom du théâtre togolais, n’est pas une proclamation gratuite. Les faits parlent pour lui.
Il est à la fois dramaturge, comédien, metteur en scène. Il a été formé à l’École du Studio d’Art de Lomé (eSTAL) créée par Rodrigue Norman, une autre personnalité importante du théâtre au Togo. Il a rédigé une thèse de doctorat sur le théâtre de son compatriote Gustave Akakpo.
La renommée artistique de Joël Amah Ajavon tient au fait qu’il est l’un des dramaturges togolais les plus joués en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale. Ce succès est le fruit de la qualité de ses pièces de théâtre. Pourquoi attirent-elles tant les metteurs en scène du Togo et d’Afrique ? Se poser une telle question est superflu. Les créations des pièces d’Ajavon sentent la scène. Il écrit en pensant à la transposition de ses textes sur une scène pour la performance des acteurs dans un espace scénique.
Les sujets abordés dans sa dramaturgie convoquent les valeurs du vivre ensemble. La lecture ne laisse pas le lecteur indifférent. D’où son succès auprès de metteurs en scène de divers horizons. Le jour où Joël Amah Ajavon m’a le plus impressionné, a été la soirée de la représentation de la pièce de théâtre “La République des slips” de Charles Manian et Ayayi Togoata Apédo-Amah. Ça a été une mise en scène magistrale. Il a soumis le texte à sa vision esthétique et exploité les situations comiques au maximum. Il a alors réalisé le but des auteurs de “La République des slips” en acculant l’ironie dans toute sa fonction critique. Par exemple, les journaux radiodiffusés du texte original ont été transformés en journaux télévisés où le journaliste, transformé en clown, vêtu d’habits aux couleurs criardes et d’un short trop petit et coincé dans l’entrejambe, s’exhibait derrière un grand cadre de photographie en guise d’écran de télévision. Les spectateurs lui ont fait un triomphe ce soir-là à l’Institut Goethe de Lomé, bourré à craquer.
Le rôle d’un metteur en scène en tant que médiateur entre les personnages et les spectateurs pour la meilleure réception possible du texte, a été une réussite. L’illusion s’est imposée dès le début de la représentation lorsque le personnage du Pasteur qui vendait des aphrodisiaques comme un colporteur intrus parmi le public, a été pris à partie par un spectateur indigné. Ils se sont saisis au collet avant d’être séparés par Ajavon qui a dû révéler au spectateur furieux par la présence du trublion qui vantait sa camelote en murmurant dans le creux des oreilles des gens en plein spectacle. Ce spectateur choqué n’était autre que le dramaturge et metteur en scène Gustave Akakpo en tournée au Togo avec une troupe française. Il a beaucoup ri de sa bévue et nous aussi.
Joël Amah Ajavon a dirigé le Festival International de Théâtre de Maison (FITMA) de 2012 à 2017. Il est le co-fondateur de la Compagnie artistique Carrefour. Il a également mis en scène plusieurs pièces de théâtre dont il est l’auteur: “La Fiancée” (2008, Institut Goethe), “Lomé en couleurs “(2011, Goethe), ,”Le Paradis des mille-pattes” (Goethe, Festival Message to Man), etc.
Mais il est fort dommage qu’au Togo, les artistes de talent soient si négligés par l’État qui se fout royalement de la culture. Vivre de son art est l’idéal de tous les artistes. L’État doit participer au développement culturel du pays par des aides et des subventions pour la grandeur du patrimoine culturel national. C’est d’autant plus affligeant que lorsque l’étranger parle en bien du Togo, ce n’est jamais au sujet de sa politique de merde, mais pour rendre hommage à ses créateurs.
Joël Amah Ajavon, comme beaucoup d’autres, a quitté le Togo pour aller vivre aux États-Unis d’Amérique, chassé par la galère.
BIBLIOGRAPHIE
– Une pseudo-vie familiale (tapuscrit)
– Deux crocodiles sur le fleuve (tapuscrit)
– Ma rivale, la mitraille, suivi de Juste savoir; Le Gain du trépas; La Rue des Lauriers. (Lomé, Awoudy, 2013).
– Miel et fiel, in Balade Théâtrale 1, Awoudy, 2013.
– Simagrées, in Balade Théâtrale 2, Awoudy, 2015.
– Drapée du thé, in Balade Théâtrale 3, Lomé, Awoudy, 2018.
Etc.
