Dans une démarche résolue de lutte contre la corruption et les flux financiers illicites (FFI), l’Alliance Nationale des Consommateurs et de l’Environnement (ANCE-Togo) a organisé ce jeudi à Lomé un atelier de renforcement de capacités à l’intention des organisations de la société civile (OSC). Cet événement s’inscrit dans un contexte où le Togo et l’Afrique perdent chaque année des dizaines de milliards de dollars à cause de la fuite illicite des capitaux.
Une hémorragie silencieuse qui appauvrit le continent
Selon Dr Fabrice Kodjo Ebeh, président de l’ANCE-Togo, l’Afrique enregistre des pertes annuelles estimées à 96 milliards de dollars du fait des flux financiers illicites. Cette fuite de capitaux représente un manque à gagner équivalant à l’ensemble de l’aide publique au développement reçue sur le continent.
« L’Afrique ne peut pas se développer sans une grande capacité de mobilisation de ses ressources internes. Tant que nous ne réduisons pas les flux financiers illicites, nous resterons dépendants de dettes extérieures contractées à des taux très élevés », a-t-il déclaré.
Il a appelé à l’adoption rapide des deux avant-projets de loi portant respectivement sur la gestion des avoirs issus de la criminalité économique et sur la création d’une institution spécialisée dans le recouvrement.
À travers cet atelier, l’ANCE-Togo souhaite positionner les OSC en véritables acteurs du changement, capables d’influencer les politiques publiques en matière de transparence financière. « Ce sont elles qui doivent plaider auprès des autorités et des leaders politiques afin de faire aboutir ces textes », a souligné Dr Ebeh.




Trois communications majeures pour éclairer les enjeux
Les participants ont été instruits à travers trois communications clés qui ont permis d’approfondir les aspects économiques, juridiques et institutionnels de la lutte contre les FFI :
« Flux financiers illicites & développement durable en Afrique », présentée par Dr. Fabrice K. Ebeh, président de l’ANCE-Togo, a détaillé les mécanismes par lesquels les FFI freinent la croissance économique : fraude fiscale, manipulation des prix de transfert, contrats commerciaux déséquilibrés. Des pratiques qui, selon lui, privent les États africains de ressources essentielles pour financer les services sociaux de base.
« Rôle de l’organe de recouvrement des avoirs », exposée par Alassani Arsou Djabate, juriste et gestionnaire de projets, a mis en avant la nécessité de créer une institution nationale spécialisée, dotée de compétences pluridisciplinaires (juridiques, financières, opérationnelles) pour accompagner l’État dans le recouvrement et la gestion des avoirs illicites, tout en sécurisant les contrats publics.
« Cadre juridique de confiscation et de recouvrement des avoirs au Togo », développée par Djodji D. Precilia, Directrice exécutive de l’ANCE-Togo, a dressé un état des lieux du dispositif légal existant aux niveaux international, régional et national, tout en relevant ses principales lacunes : absence d’organe de recouvrement, insuffisance de coordination et faiblesse des mécanismes de gestion des biens confisqués. Elle a recommandé l’adoption d’un texte de loi instituant une structure nationale dédiée.
Créer une institution spécialisée : une priorité nationale
Le diagnostic posé par les experts est clair : le Togo doit se doter d’un cadre institutionnel robuste pour confisquer, recouvrer et gérer les biens issus de la criminalité économique. L’atelier a également mis en lumière l’existence de mécanismes internationaux de soutien comme StAR (Stolen Asset Recovery), ARINWA, ou encore la Position africaine commune CAPAR.
À travers cet atelier, ANCE-Togo cherche à faire des OSC des acteurs proactifs dans le combat contre l’impunité financière. La lutte contre les FFI ne peut être gagnée sans un engagement de tous les segments de la société. Pour espérer un développement durable, le Togo doit impérativement récupérer ses ressources détournées et en assurer une gestion transparente et souveraine.