Togo- Kpendjal : Le cri étouffé des adolescentes mariées de force

Dans le Kpendjal, au nord du Togo, l’insécurité ne se limite pas aux menaces terroristes qui hantent la région depuis 2021. Une violence plus silencieuse, sociale et sexuelle, brise les destins de jeunes filles, victimes de mariages forcés et d’enlèvements. Le confrère Laabali a levé le voile sur cette réalité dans un reportage poignant publié le 16 avril 2025, révélant un fléau ancré dans la misère, l’ignorance et des traditions tenaces.

À Gnindjenga, Dapampoua, 13 ans, raconte son calvaire d’une voix tremblante : « C’est ma propre mère qui m’a donnée en mariage. » Un soir, après le marché, sa mère lui annonce qu’un jeune homme la réclame. « Je n’ai rien pu dire. Chez nous, un enfant ne doit jamais désobéir à son géniteur », confie-t-elle, adossée à un arbre, sa petite sœur Olivia, 5 ans, blottie contre elle. Dans leur concession délabrée, Dapampoua assume le rôle de maîtresse de maison, abandonnée par une mère usée par la précarité et les violences conjugales.

Lire l’article sur Laabali: Mariage forcé- Un fléau qui résiste au temps dans le Kpendjal

Son histoire éclate au grand jour grâce à une querelle autour de frais d’apprentissage impayés. Recrutée par Latifa, tisserande à Tchimouri, pour vendre du riz, Dapampoua apprend le tissage. Mais sa mère, incapable de régler les 120 000 FCFA dus, la promet en mariage à un homme qui s’engage à payer. Mariée, la fillette abandonne l’atelier. Latifa porte plainte à la gendarmerie pour récupérer son dû, révélant l’âge de Dapampoua. Le père et le mari sont brièvement détenus, mais la mère reste introuvable. La gendarmerie ordonne le retour de Dapampoua chez ses parents et à l’atelier, mais le silence complice du village pèse lourd.

À Tambonga, le chef de canton Damtal 1er déplore un cas similaire : une apprentie couturière mariée de force, malgré une plainte pour remboursement de frais d’apprentissage. « C’est un dossier brûlant et cela me préoccupe », avoue-t-il, pointant l’ignorance et la complicité de certains chefs de village.

À Malgbongou, Larba, 14 ans, disparaît après une journée au champ. « Ils sont venus nous dire qu’ils ont pris ma fille en mariage », s’indigne sa mère. Restituée après une plainte, Larba est enlevée à nouveau par son ravisseur, un veuf déterminé.

Ces drames, enracinés dans une société patriarcale, sont aggravés par la pauvreté et l’insécurité. « Dans la préfecture de Kpendjal, l’école est perçue comme un long parcours incertain, surtout pour les filles », explique Alidou Zakali, enseignant. Les lois togolaises, comme celle de 2007 interdisant le mariage avant 18 ans, peinent à s’appliquer face à l’impunité. Abel Adjafi, directeur de l’Action sociale, admet : « Nos ressources sont limitées. » Pourtant, à travers sensibilisations et interventions, des voix s’élèvent pour briser ce silence qui vole l’avenir des filles du Kpendjal.

One thought on “Togo- Kpendjal : Le cri étouffé des adolescentes mariées de force

  1. Dans beaucoup de tribus africaines, il n’y a pas d’âge minimum pour le mariage… Il faut de la sensibilisation et l’inclusion des chefs de tribu… Pénaliser ce fait, sans une longue sensibilisation et éducation n’est pas une solution efficace et pérenne.

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