« On ne peut exiger des efforts constants de ceux à qui l’on ne donne rien ». Encore une fois, le prix de l’électricité grimpe. Une hausse brutale, silencieusement décidée, mais bruyamment ressentie par des millions de foyers déjà étranglés par le coût de la vie. Au Togo, ce n’est pas tant le manque de ressources qui affame, mais la manière dont elles sont accaparées, redistribuées ou plutôt confisquées.
Nous vivons dans un pays où les richesses naturelles, les revenus publics et les dividendes de l’État sont gérés comme des biens privés. Un cercle restreint en jouit, même les factures d’électricité et d’eau des premières autorités communales, jusqu’au sommet de l’État sont payées par le pauvre contribuable, sans compter les immenses primes et indemnités, ajoutées à leurs salaires faramineux, pendant que la majorité peine à s’éclairer, à cuisiner, à vivre. Ironie du sort, c’est au nom du développement, du redressement économique ou d’une modernisation incantatoire que l’on multiplie les taxes, augmente les tarifs, impose les sacrifices… mais toujours aux mêmes.
Comment ne pas s’interroger sur ce paradoxe ? Après vingt années de pouvoir, Faure Gnassingbé parle toujours de lutte contre la corruption, alors que lui, ses ministres et ses proches ne sont soumis à aucune obligation de transparence. Ils refusent de déclarer leurs biens. Eux qui brandissent aujourd’hui une nouvelle constitution, prétendument socle du développement, sans jamais avoir respecté l’ancienne, notamment sur l’assainissement de la gestion publique qui les oblige à déclarer leurs biens.
Combien de commissions, de hautes autorités et d’institutions dites “de lutte contre la corruption” sont devenues de simples coquilles vides, budgétivores, parfois complices du système qu’elles sont censées réguler ?
Il ne s’agit pas ici d’accuser, encore moins de critiquer pour le plaisir. Mais il est de notre devoir de dire la vérité. Une vérité brute, qui s’impose à l’évidence. Le fossé se creuse, l’amertume grandit. Le peuple n’en peut plus de cette gouvernance qui, sous prétexte de le servir, l’use et l’essore. Car on ne peut exiger des efforts constants de ceux à qui l’on ne donne rien. Quand l’État abdique ses responsabilités sociales, il pousse les citoyens dans une débrouillardise devenue un mode de survie.
A force de faire saigner son propre peuple, on ne récolte pas toujours la révolte, mais souvent pire: une indifférence froide, une résignation silencieuse, un repli qui tue lentement l’espoir de tout vivre-ensemble.
Ce n’est pas seulement le courant électrique qui manque aujourd’hui. C’est aussi le courant de confiance entre les gouvernants et les gouvernés.
Il est temps que les dirigeants montrent l’exemple à suivre. Qu’ils déclarent leurs biens, rendent compte de la gestion des ressources, justifient les choix budgétaires. Il est temps que les sacrifices soient équitablement partagés. Que la justice sociale cesse d’être un slogan. Que le bien commun redevienne une exigence.
Et s’ils vidaient le plancher, après tant d’années “d’espoir déçu”, pour permettre aux autres d’essayer ?
Car un pays qui abandonne ses pauvres pour garantir le confort de ses puissants n’est pas en voie de développement. Il est en voie de rupture.
Ricardo Agouzou
Bien sûr que les revenus n’ont pas augmenté pour tous les consommateurs d’électricité… Nous devons également faire attention… A force de vouloir acheter tous les biens et services à prix subventionnés, nous n’aurons pas d’arguments pour exiger des investissements avec les dettes contractées par les gouvernants.