Regain de mobilisation pour l’alternance et la démocratie au Togo : Requérir toute la lucidité nécessaire

A la suite de l’interpellation de l’artiste rappeur Aamron le 26 mai 2025, un regain de mobilisation s’empare du Togo pour exiger le changement à la tête du pays. Des manifestations inédites de nuit et de jour les 5 et 6 juin 2025 à l’appel des activistes et influenceurs de la diaspora ont ébranlé le régime qui a recouru à ses vieilles méthodes en l’occurrence la répression sauvage et aveugle. Près d’une centaine de personnes ont été arrêtées. Parmi elles, au moins sept ont déclaré à Amnesty International avoir subi des actes de tortures, des traitements inhumains et dégradants. Si la plupart des manifestants ont été relâchés, deux Togolais et un Français ont été inculpés mercredi 11 juin pour « complot contre la sûreté de l’État et troubles aggravés » et placés sous mandat de dépôt.

Dans la foulée, d’autres manifestations sont annoncées sur les 26, 27 et 28 juin prochains.
Entre temps, l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC),les Forces Démocratiques pour la République (FDR), le Front Citoyen Togo Debout et Novation Internationale réunis au sein du Cadre de Réflexion et d’Action pour le Changement (CRAC) signataires de la Charte de l’opposition ont lancé un appel à la mobilisation générale contre le régime de Faure Gnassingbé. Un appel solennel à la désobéissance civile qui débutera officiellement le lundi 23 juin 2025, pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « dérive autoritaire » et de « confiscation du pouvoir » par le Président. C’est à travers une conférence de presse au siège de l’ANC à Lomé le 12 juin 2025
Se fondant sur l’article 150 de la Constitution de 1992, les signataires affirment que chaque citoyen togolais a le devoir de désobéir à toute autorité illégitime. Ils rejettent en bloc la Constitution de la 5I” République, récemment imposée, et en appellent à la mobilisation pacifique mais résolue de tous les Togolais. « Ce n’est pas un appel symbolique, c’est une exigence morale, politique et historique », affirment-ils.

La déclaration met un point d’honneur sur l’émergence d’une conscience nouvelle au sein de la jeunesse togolaise, en particulier les actions courageuses de figures telles que Sokpor Sittsope alias Affectio et Tchala Essowè Narcisse alias Aamron qui, avec d’autres influenceurs, ont contribué à briser le mur de la peur. Les responsables du CRAC invitent chaque secteur – syndical, associatif, économique, étudiant – à se préparer à entrer en résistance, par des actions pacifiques de désobéissance visant à « faire échec à l’autorité illégitime ». « Chaque citoyen doit s’y engager. Chaque secteur doit s’y préparer », soulignent-ils.
Le message fort de l’ANC, des FDR et de la société civile insiste sur la fin des querelles internes dans l’opposition et appelle à l’unité des forces démocratiques, au Togo comme dans la diaspora. « Le moment est venu de construire la convergence sur la base de la vérité, de la solidarité et de la confiance.»
Requérir toute la lucidité nécessaire
Ce qui semble un nouveau départ de la lutte pour l’alternance et le changement au Togo a forcément besoin d’une base solide et d’une convergence d’esprit. Aucun maillon ne doit être négligé. Malheureusement, «il se développe actuellement, au sein de certains cercles togolais, un phénomène curieux pour le moins préoccupant : le syndrome du nouveau leader virtuel (SNLV). Ce phénomène, amplifié par les réseaux sociaux — notamment TikTok —, et encouragé par des manipulateurs rancuniers ou looseurs et des mains sombres et lugubres du régime (…), poussent certains individus à s’imaginer ex nihilo à la tête de la lutte pour la libération du Togo, non pas à travers un engagement réel ou structuré, leur innovation mais en s’arrogeant un leadership fondé sur la viralité de leurs vidéos de dénigrement, d’illusionnisme et de mensonge.
Cette quête illusoire de notoriété s’accompagne souvent d’un comportement destructeur que l’on pourrait qualifier de « leaderticide » : une volonté obsessionnelle d’éliminer politiquement les figures de l’opposition par la haine, le mensonge, la diffamation et la dénonciation calomnieuse.
Ce culte du buzz, appuyé sur le simple nombre de vues, traduit-il une forme de dérive narcissique exacerbée ou une manifestation inquiétante d’égarement collectif ?
Or, être un véritable leader ne relève ni du fantasme numérique, ni de l’improvisation. Cela exige du travail, du courage, un esprit de sacrifice et de combativité, une solide culture politique, une connaissance approfondie de la mémoire des luttes passées, une vision claire, des valeurs affirmées, une équipe structurée, un projet cohérent, une maîtrise du terrain et la capacité de construire un véritable rapport de force. Il n’existe pas de raccourci vers le leadership authentique et véritable» a posté Che Hellu Nyamassadji Lawson.
De son côté, le Secrétaire National des FDR Binafame Kohan n’a pas porté de gants: «Les gens pensent pouvoir falsifier l’histoire de la lutte pour le changement au Togo en cherchant à faire croire aux populations que la résistance contre le dernier coup d’État constitutionnel du régime (… ) a commencé par nos frères et sœurs les influenceurs sur les réseaux sociaux.
Nous sommes très contents que des jeunes togolais utilisent les réseaux pour mobiliser les populations contre le régime autocratique qui nous régente par la force depuis bientôt 60 ans. Félicitations à nos influenceurs. Que Dieu les inspire et les protègent contre les actions de ce régime failli.
Mais personne ne peut nous convaincre que la résistance contre le changement illégal de la constitution a commencé par les influenceurs. Les gens doivent cesser de se comporter comme des contrebandiers de l’histoire de la lutte du peuple togolais pour retirer son cou du genou de la minorité oligarchique qui régente notre pays contre la volonté du peuple souverain» avance-t-il.
Plus loin , il affirme :»Que des gens aiment ou pas certains leaders des partis d’opposition, notamment, Monsieur Jean-Pierre FABRE et Me APEVON Dodji, la vérité est que ces deux leaders n’ont pas attendu l’appel des influenceurs sur les réseaux sociaux avant de décider de mener une résistance acharnée contre le dernier coup d’État constitutionnel de du Président Faure GNASSINGBE. Alors que d’autres responsables de partis politiques demandaient aux populations d’accepter le fait accompli en tentant de les convaincre que le train de la fameuse cinquième République est en marche et qu’on ne peut pas l’arrêter, Monsieur FABRE et Me APEVON n’ont pas cessé d’exhorter le peuple souverain à résister contre la volonté du régime en place de monarchiser notre pays.
A cet égard, Monsieur FABRE et me APEVON, à travers leur parti politique, ensemble avec des organisations de la société civile, ont organisé des meetings de sensibilisation des populations contre le coup d’État constitutionnel visant à instituer dans notre pays un pouvoir héréditaire.
Monsieur FABRE et Me APEVON ont participé à des émissions sur les médias pour conscientiser les citoyens sur le danger que constitue pour leur avenir la fameuse cinquième République et les appeler à prendre leurs responsabilités.
Mieux, c’est au nom de la résistance contre la monarchisation de notre pays que Monsieur FABRE et Me APEVON ont décidé de boycotter l’Assemblée Nationale issue du braquage électoral d’avril 2024, se privant ainsi des indemnités qui s’élèvent à plusieurs millions de CFA par année. Un député togolais touche une indemnité mensuelle de plus de plus un million trois cents mille (1.300.000) F CFA. 1.300.00 F x 12x 6= 93.600.000 F CFA en six ans (le mandat des députés dure 6 ans). Comment les pourfendeurs de Monsieur FABRE et Me APEVON pensent pouvoir convaincre le peuple togolais opprimé que ces deux leaders ne se battent pas pour l’intérêt général ?
Si nous remontons l’histoire de notre lutte politique depuis 1990, nous pourrions citer d’autres faits d’armes de ces deux leaders que des personnes tapies dans l’ombre, par méchanceté, veulent détruire» , a-t-il conclu.

C’est un constat partagé par plusieurs acteurs qui appellent au dépassement de soi pour ne plus tomber dans les erreurs du passé.
La quête permanente du nouveau messie a longtemps fait péricliter la conclusion  de cette lutte. Les plus récentes sont apparues en 2017 avec les mouvements de Tikpi Atchadam du  Parti National Panafricain (PNP) et en 2020 avec le duo de regrettés mémoires Agbeyome Kodjo et Mgr Philippe Kpodzro. Des périodes marquées par des invectives à outrance qui ont fait perdre confiance à certains militants et forces pro-démocratie et ont écorné l’image de certains leaders politiques de l’opposition.
Jusque-là certains influenceurs à la tête du mouvement font le nécessaire pour recadrer certains égarements mais il en faut davantage pour ne pas galvauder toutes les ressources en mouvement pour une nouvelle ère au Togo. 
    S’agissant de la participation aux élections municipales, tout est déjà expérimenté dans cette lutte au Togo durant les trois dernières décennies. Le boycott n’a pas empêché ce régime de maintenir sa cadence. Ceci étant, aucune piste ne doit être négligée pour la libération du Togo des mains des fossoyeurs de la démocratie.

Kokou AGBEMEBIO

Source : Lecorrecteur

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