C’est un exercice inhabituel auquel les Togolais ont assisté ce mardi 21 février 2023. Une grande partie du gouvernement s’est présenté devant la représentation nationale pour élucider les manquements contenus dans le rapport d’audit de la Cour des comptes à propos de la gestion des fonds de la riposte contre la Covid-19. A l’arrivée, le spectacle a surpris plus d’un. Les Togolais dans leur majorité se sont sentis à nouveau frustrés.
La Représentation nationale éclairée sur la gestion du fonds Covid-19 par le gouvernement
Ce mardi 21 février 2023, au siège de la représentation nationale, la Présidente de l’Assemblée nationale, Madame Yawa Djigbodi Tsègan, a procédé à l’ouverture de la première session extraordinaire de l’année, conformément aux dispositions de l’article 55 alinéa 8 de la Constitution.
La session s’est déroulée en présence d’une forte délégation gouvernementale conduite par Payadowa Boukpessi, ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et du développement des territoires ainsi que l’équipe de la coordination nationale de la gestion de la riposte contre la Covid-19. En lien avec les dispositions constitutionnelles notamment l’article 96 alinéa 2, la forte mobilisation de l’équipe gouvernementale à l’hémicycle s’explique par la nécessité pour le gouvernement de communiquer sur le rapport d’audit du fonds de riposte et de solidarité contre la Covid-19, gestion 2020 publié par la Cour des comptes.
Par ailleurs, cette communication fait corps avec l’obligation de redevabilité à l’égard de la représentation nationale et s’inscrit dans les missions régaliennes de l’institution parlementaire, celles de contrôle de l’action gouvernementale. Sur le fondement de l’article 86 de la Constitution, le Gouvernement avait sollicité et obtenu de l’Assemblée nationale une habilitation à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi à compter du 16 mars 2020. Par 11 lois, l’Assemblée nationale a déjà ratifié les ordonnances prises par le Gouvernement. De plus, conformément à l’article 5 de la loi d’habilitation, je cite « le Gouvernement communique à l’Assemblée nationale, à sa demande, toute mesure prise ou mise en œuvre en application de ladite loi d’habilitation.
L’Assemblée nationale peut requérir toute information complémentaire en ce qui concerne le contrôle et l’évaluation des mesures » fin de citation. Il s’agit donc d’un exercice qui participe de la mise en œuvre par l’Assemblée nationale de ses prérogatives de contrôle de l’action gouvernementale. À l’occasion de ce débat de nation, je voudrais rendre hommage au Président de la République, Son Excellence Monsieur, Faure Essozimna Gnassingbé, qui aux premières heures de la pandémie, a fait ériger des barrières multiformes pour protéger les populations contre la Covid sur les plans sanitaire, sécuritaire, social et économique.
D’importantes ressources financières ont été mobilisées pour donner des résultats tangibles reconnus tant au plan national qu’international par les partenaires en développement comme l’un des rares pays ayant eu la meilleure approche de protection des populations. Toutefois et afin d’apporter des précisions, le gouvernement vient éclairer la Représentation nationale sur les points de la gestion du fonds y relatif.
Payadowa Boukpessi, ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et du développement des territoires a rappelé le contexte et la justification de ce fonds, soit un montant de 400 milliards mobilisable sur plusieurs années sur le fondement de l’ordonnance n°2020- 002 du 11 mai 2020.
Ce fonds était entièrement intégré à la comptabilité publique. Aussi, note-t-il que le fonds avait pour but de lutter contre la propagation de la maladie, de protéger, de préserver, et surtout de sauver des vies humaines. En outre, l’objectif fixé était de maintenir l’activité économique à un niveau acceptable et de la redynamiser.
En ce qui concerne l’audit commandité par le gouvernement, le ministre d’Etat souligne qu’il avait pour but de donner une certaine assurance que les ressources mobilisées ont permis de faire face efficacement aux dépenses liées à la riposte et sont utilisées conformément aux accords ou conventions de prêt d’une part et d’autre part, dans le respect des textes en vigueur au titre de l’exercice budgétaire 2020.
Cette communication du gouvernement a été l’opportunité pour différents ministres de donner des informations et explications pertinentes relevant de leur département à la Représentation nationale s’agissant de la gestion de ce fonds.
Pour le ministre d’État Payadowa Boukpessi, «/ les dépenses faites dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 sont régulières, conformes et sincères. Les quelques insuffisances relevées n’entachent en rien les procédures requises en la matière. L’essentiel est que les mesures économiques, sociales et financières ont permis de soulager les populations en difficulté », at-il laissé entendre. La Présidente de l’Assemblée nationale a salué « l’ingéniosité, l’engagement,/ le sens de responsabilité, le respect et la protection de la vie humaine et particulièrement la vie du citoyen togolais, le sens de l’anticipation dont a fait preuve le gouvernement pendant la période de crise sous la houlette d’un Grand Leader, Son Excellence Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé, Président de la République, qui sait agir non seulement en temps de paix mais également en tant de crise/ ». Pour la Présidente de l’Assemblée nationale « c’était une période où il fallait faire preuve de stratégie et de célérité ». Elle poursuit en ces termes «/ même si on peut relever quelques insuffisances dans le rapport d’audit, l’essentiel est d’avoir sauvé des vies humaines. Il est extrêmement important de le noter et de témoigner toute sa gratitude au Dieu créateur/ », a-t-elle indiqué. Par ailleurs, les membres du gouvernement ont apporté des éclaircissements sur d’autres préoccupations des députés afin de rassurer les populations de l’utilisation saine des fonds Covid dans un souci de transparence et de bonne gouvernance publique.
Kodjo ADEDZE et les explications liées au riz
Selon les explications de M. Kodjo ADEDZE, une subvention a été accordée par l’Etat afin de rendre accessible le riz importé. Le ministre a déclaré que ce riz n’était pas distribué mais mis à la disposition des importateurs togolais afin que ses derniers approvisionnent la population togolaise sur toute l’étendue du territoire. L’officiel a rassuré que des comptes sont ouverts dans les livres de l’Union Togolaise de Banque par le Trésor public. Voici en intégralité, les explications du Ministre Kodjo ADEDZE : « Nous étions en 2020 et de façon inattendue, la maladie s’est invitée sur tous les continents y compris notre pays, perturbant tous les schémas d’approvisionnement. La chaîne logistique internationale était fortement perturbée. Vous allez vers le port, vous pouvez y jouer du foot , suite aux diverses mesures de confinement pour empêcher la propagation de la maladie.»
Il poursuit qu’ «Il faut relever qu’on peut mourir par le coronavirus, également la faim peut tuer. Et donc à l’époque, pour assurer la sécurité alimentaire, il était question d’évaluer le stock d’un certain nombre de produits de première nécessité dont le riz. Et nous avions travaillé avec nos collègues pour évaluer le stock de riz produit localement, y compris ceux qui sont produits à Kovié. Evaluer le stock de riz disponible au niveau de l’ANSAT et nous également rassembler ceux qui sont sur la filière riz pour évaluer avec eux leur stock.» «Madame la Présidente de l’Assemblée nationale, la sommation faite, il était claire qu’après quatre (04) mois, il n’y aurait plus de riz dans ce pays. En gouvernement responsable, il fallait faire quelque chose, il fallait faire quelque chose, il fallait importer du riz qui était difficile d’ailleurs parce-que tout est bloqué, tout le monde se jetait sur les stocks disponibles.
Nous avons regardé pour un peu partout et trouver qu’il y avait auprès d’un fournisseur, le plus gros Olam pas la quantité que nous voudrions mais une quantité qui pourrait ajouter à ce que nous avions localement détenu pendant un (01). Ce qui nous a poussés à commander les 31 500 tonnes de riz. Nous avions vérifié également les prix qui étaient pratiqués à l’international. Ces prix oscillaient à l’époque entre 400.000 et 600 000 f CFA dans le temps.» a ajouté le Numéro 1 du commerce au Togo Kodjo ADEDZE a poursuivi en ces termes «Nous avons réussi à négocier pour qu’on puisse nous livrer le riz rendu à Lomé ici à 273. 000 f CFA et ce qui a été fait en urgence. Le riz nous est parvenu au Port Autonome de Lomé ici, les traces sont là pour tous ceux qui connaissent le commerce international, c’est très simple. Ce riz a été adossé à six (06) connaissements maritimes avec les différents tonnages. Il fallait également trouver un courtier en douane et un manutentionnaire capables de traiter les 31 500 tonnes de riz avec peu de dockers, il ne fallait pas mettre tous les dockers et provoquer d’avantage la propagation de la maladie.
Donc par courrier, le groupe Bolloré a été requis, tous ces documents sont là. Le riz a été traité et mis en magasin au niveau du Port.» Comment le mettre maintenant à la disposition des populations ? Un travail a été fait. Il y avait trois (03) solutions qui s’offraient à nous. Remettre le stock à l’ANSAT pour va utiliser son circuit habituel de distribution ou le gouvernement trouve un mécanisme de livraison puisque ça devait toucher tout le territoire togolais ou traiter avec les acteurs de la filière. Nous avions regardé un tout petit peu, il faudrait permettre quand-même à ce que nos acteurs reconnus puissent tenir, leur enlever cela n’était pas bon.
Donc tout calcul fait, s’il faut livrer ce riz au prix de revient, nous n’allons pas pouvoir atteindre l’objectif qui est de rendre le riz disponible sur toute l’étendue du territoire et à un prix abordable. Le Gouvernement a décidé de subventionner ce riz encore à 1.300. 000. 000 f CFA pour que le sac de riz de 50 k revienne à 12.500 et de 25 k à 6 250. Honorables Députés, cette opération a d’ailleurs permis de tirer vers le bas les autres prix sur le marché. C’est ce qui fait qu’on n’a pas eu trop de tentions sur la filière riz. Nous avions appelé tous les acteurs de la filière et on leur a dit voilà ce que nous avons et ce que nous vous proposons c’est que vous puissiez servir de distributeurs de ce riz mais à prix plafonné que nous allons suivre. Tous ceux-là ont décidé de prendre un tonnage. Un compte a été ouvert dans les livres de l’UTB par le Trésor public. Vous versez le montant correspondant là-bas, vous venez montrer la preuve et on vous autorise à aller enlever les riz. Donc les 8 milliards et d’autres charges notamment dues à la manutention et puis les frais connexes, si vous ajoutez ces frais-là moins les 1. 300. 000.000 le reste est versé sur un compte dans les livres de l’UTB ouvert par le Trésor. Ça nous a permis, Excellence Madame la Présidente, à l’époque d’étonner certains pays, mes collègues de la sousrégion me demandaient Monsieur le Ministre qu’estce que vous avez fait puisqu’ils venaient même chercher de l’huile végétale chez nous. Il y avait une certaine politique mise en œuvre pour que nos populations n’aient pas à choisir entre mourir de faim et mourir de covid. Ça a été réfléchi. Voilà donc Excellence Madame la Présidente, le travail fait par rapport au riz. Ce riz n’a pas été distribué mais mis à la disposition de nos populations sur toute l’étendue du territoire. On faisait vérifier chaque semaine les stocks disponibles dans les régions par le biais de nos Directeurs régionaux agriculture et commerce. Nous avons d’ailleurs les intitulés du compte sur lequel les fonds sont versés »
Cina Lawson et sa tentative
Dans le rapport définitif de la Cour des comptes sur la gestion du fonds Covid-19 en 2020, la gestion du programme Novissi est pointée du doigt. Mardi devant les députés, Cina Lawson, la ministre des postes et de l’économie numérique, dont le département a géré ce programme, a donné pour la première fois sa version des faits. Cette ministre, après avoir retracé le mécanisme du programme Novissi, son système financier et ses différentes phases, a fait savoir qu’à aucun moment, l’argent n’a quitté le giron de l’Etat.
Novissi, a-t-elle informé, va au-delà du délai dans lequel le rapport l’a incrusté. « La cour des comptes, dans sa première évaluation, constate que Novissi a duré du 8 avril 2020 au 11 mai 2020 pour un montant total de 12 milliards. Et la cour dit que sauf erreur, il y a un reliquat puisque Novissi a pris fin en 2020. Or, Novissi n’a pas pris fin en mai 2020. Ce programme a continué avec les conducteurs de bus, le canton de Soudou, la région des savanes et il a continué bien au-delà de ce qu’on a appelé Novissi. La plateforme financière ayant fait ses preuves, on a continué à payer les agents de vaccination jusqu’au 31 décembre 2022 sur tout le territoire. La force anti-covid a aussi reçu directement son paiement par le biais de cette plateforme », a-t-elle lancé.
Selon elle, le reliquat des 770 millions de francs CFA dont parle la cour des comptes dans son rapport n’existe pas. Elle dit avoir fait son travail avec transparence et traçabilité. « Ce reliquat n’existe pas. Même s’il y en a, il se trouve dans les comptes de l’Etat. Il n’a pas bougé des comptes puisque c’est un porte-monnaie électronique de l’Etat togolais », a-t-elle déclaré. Le reliquat qui reste sur le porte-monnaie électronique de l’Etat, selon elle, était de 200 millions de francs CFA. « Au 31 décembre 2022, il reste dans les comptes quelques 200 millions mais nous sommes en train de faire un travail de réconciliation pour pouvoir donner le chiffre final », a-t-elle souligné. C’est dans ce reliquat que se fera aussi, selon la ministre, le paiement des agents du numéro vert, 111.
La liste de tous les bénéficiaires avec noms, prénoms, numéros de téléphone, dates de naissance, cantons, préfectures, jours et heures des inscriptions sur la plateforme, les jours, heures, dates des paiements et le montant de paiement est aujourd’hui disponible, a-telle informé, au trésor, à son ministère et à la cour des comptes. La seule chose qui n’a pas marché dans la mise en œuvre de ce programme, a-t-elle dit, c’est qu’il y a eu des demandeurs inéligibles qui ont reçu l’aide de Novissi. « Concernant le paiement des personnes non éligibles relevé par la cour des comptes, lors du lancement de la plateforme le 8 avril 2020, il y a eu une erreur de configuration. Quelques professions qui, au lieu d’être désélectionnnées, ont été laissées.
Il s’agissait d’écoliers, de retraités, d’étudiants. Le soir même, on se rend compte qu’on a commis une erreur et on reconfigure. Mais il y a 17.500 personnes qui ont pu s’inscrire et ces personnes ont bénéficié d’une tranche de 5.250 francs ou de 6250 francs, selon qu’ils soient hommes ou femmes », a-t-elle indiqué.
Cina Lawson dit n’avoir pas eu le cœur de dire aux personnes concernées qui sont des retraités et des écoliers, de rembourser. « On a prévenu le trésor de l’erreur de configuration avec la liste complète avec noms, prénoms, numéros de téléphones, dates de naissance, canton, préfectures et montants reçus par ces personnes inéligibles », a-telle soutenu devant les députés. Voilà autant d’informations que la ministre de l’économie numérique a déversées devant les députés. Sauf que, une question persiste : pourquoi Cina Lawson n’a pas répondu à la lettre à elle adressée par la cour des comptes de comprendre un certain nombre de choses, relate le confrère Globalactu.
La colère !!!
C’est le sentiment partagé au sein de l’opinion après ce spectacle indigeste et triste. Déjà sur la forme, les ministres dans leur tâtonnement n’ont pas réussi à rendre une copie digne des membres d’un gouvernement de Faure Gnassingbé. Mais de manière générale, plusieurs observateurs pensent que cet exercice bien que républicain n’était pas opportun, dans la mesure où la dernière sortie du ministre de la Communication et porte-parole du Gouvernement, Pr Akodah AYEWOUADAN avait déjà laissé plus d’un sur sa soif. Mieux, les populations ont trouvé cette sortie comme une insulte à leur intelligence. De la sortie du porte-parole du Gouvernement aux questions réponses à l’Assemblée nationale, le sujet de fond qui concerne les malversations et les manquements graves avec l’absence quasi systématiques de pièces justificatives semblent relégué au second plan. Le spectacle offert ce mardi au parlement est une nouvelle tentative de passage en force pour faire croire que le rapport n’est pas aussi accablant, ce qui est tout le contraire. Pour certains analystes, les ministres de Faure Gnassingbé ont trahi la confiance de ce dernier et il serait temps qu’il agisse.
Mieux, certains pensent d’ailleurs que le président de la République est dans sa stratégie d’observation et qu’il « frappera » au moment opportun. Le thermomètre risque d’exploser dans les jours à venir puisque les frustrations vont crescendo. Il est donc important que le Président de la République qui a été le seul élu par les Togolais puisse prendre la mesure la situation et sévir pour que l’impunité cesse au Togo.
Source : Le Tonnerre