Est-il encore besoin de passer par des avertissements lorsqu’existent déjà des textes qui répriment les écarts de comportement des magistrats ? De combien de temps le président de la Cour suprême veut-il disposer avant de commencer un nettoyage de fond, histoire de faire savoir à tout le monde que les actes passés cachés ne demeureront pas impunis ?
Des magistrats détenteurs d’officines et églises privées pour escroquer
Dans les statuts des magistrats, des passages sont prévus et consacrés aux sanctions des magistrats qui s’écartent de l’éthique, la morale et la déontologie. Mais si Abdoulaye Yaya s’amuse à se limiter à des avertissements, c’est à croire que le nouveau président de la cour suprême ne semble pas décidé à frapper.
Dans une note de service, il est relevé que « certains magistrats ont ouvert des officines en leur domicile, tenant lieu d’appendices ou de tribunaux annexes. D’autres magistrats ont ouvert des églises privées vers lesquelles ils drainent des justiciables pour des consultations ou règlements pastoraux contre des espèces sonnantes et trébuchantes arrachées à ces justiciables ».
Mais plutôt que de faire ce pour quoi il a été nommé, le président de la Cour suprême s’est contenté de demander la cessation de telles pratiques, « faute de quoi, leurs auteurs répondront de leurs actes avec toute la vigueur des règles disciplinaires ». Et puis, c’est tout.La loi est parfois dure, mais c’est la loi. Lorsque, devant des actes qui s’identifient à de la concussion, le président du Conseil supérieur de la magistrature se limite à des avertissements, le risque est grand que, devant des actes d’autres magistrats, on s’attende également à des avertissements contenus dans des notes de service.
Ce faisant, on se demande alors à quand les sanctions disciplinaires. Surtout que les auteurs de ces écarts de comportements sont bien connus du président. A moins qu’il ait peur de certains magistrats.S’agissant des magistrats ayant ouvert des églises privées, des informations font état de ce que des juges au tribunal du commerce et au parquet du tribunal de Lomé sont seraient concernés. Nous n’en dirons pas plus pour le moment.
Lorsqu’on s’appesantit sur le cas de ceux des magistrats qui ouvrent des officines privées comme s’ils étaient des avocats, on comprend l’importance de ne pas laisser les juges pousser des racines au même poste. Surtout que le ministre a toujours clamé que le magistrat n’a pas de plan de carrière. Plus ils durent à leur poste, plus la tentation devient grande de passer par des voies détournées pour s’enrichir aux dépens des justiciables.Comment un magistrat qui est affecté tous les quatre ans, peut-il avoir le temps d’ouvrir une officine privée ?
Puisqu’il ne maitrise pas son avenir professionnel du point de vue géographique. A peine l’idée effleurera son esprit d’ouvrir son « cabinet » dans une ville, qu’il sera balancé dans une autre. Aussi, la responsabilité des coupables est engagée, tout comme celle de la hiérarchie qui s’entête à maintenir des magistrats pendant 7, 8, 9 voire 10 ans au même poste.
Dépoussiérer les dossiers « en sursis »A la Cour suprême, des dossiers « en sursis » dorment. Et on se demande combien de temps doit s’écouler avant que le dépoussiérage ne commence. Si on ne peut pas prétendre énumérer lesdits dossiers, il en est au moins un qui, depuis 2016, a surpris de par l’immixtion de la cour suprême. Kodjovi Dossou.
Il faut dire que la nomination du nouveau président a suscité beaucoup d’espoir chez des justiciables. Cas des victimes de l’avocat Kodjovi Dossou dans la vente d’un bateau en rade pour la somme de 498 millions FCFA. Après avoir déduit 118 millions comme ses honoraires, l’avocat a omis de verser le reste, soit plus de 351 millions FCFA sur le compte CARPA des avocats.
Sa radiation de l’ordre des avocats, prononcée le 24 septembre 2014 au temps du Bâtonnier Dopé Kayi C. Ekoue-Kouvaheya été convertie en suspension de trois ans d’activité. Mais contre toute attente, l’ancien président de la cour suprême prit une ordonnance de sursis à exécution de la décision de l’ordre des avocats. Conclusion, Kodjovi Dossou continue d’exercer son métier d’avocat. Et pendant ce temps, les ayant-droits SICURO SA ni à Goran Stefanovic; Rodolfo Gamay, Chito Tagalog, Ante Zoro, Joseph Tampos, Arnold Millar, Virgilio Sanchez, Gorgonio Geronio, Jamito Bechayda, Walter Salatandre, Oanilo Ople, Bernard OaHt, Ronelius Gamay, Marc Joseph Jacoba, Jumar Catarig, Teodulo Herjas, Roberto Galos, Vasile Vrinceanu, Dennis Nemenzo et Warfeild Tapsil dont nous avons rencontré un continuent d’espérer que cette ordonnance inique soit rétractée.
Surtout avec l’arrivée d’Abdoulaye Yaya. « Nous ne demandons pas au nouveau président de nous faire de faveur, non. Nous souhaiterions qu’il se penche sur le dossier des victimes de l’avocat Kodjovi Dossou que nous sommes et qu’il confirme ou alors rétracte cette ordonnance prise par son prédécesseur. Nous nous sommes réunis juste après sa nomination et avons pensé vous supplier de relayer la situation d’injustice dans laquelle la cour suprême, du moins sont ancien président nous a mis. L’avocat va et vient comme s’il n’a pas grugé des marins en 2014. Nous ne demandons que justice ».
Ce sont là les mots d’une des victimes.Mais il n’y a pas que cette situation. Il suffit qu’Abdoulaye Yaya dépoussière les dossiers et il risque l’inanition de par les énormités qu’il découvrira.Pourquoi ne pas consulter les autres corps dans le processus d’affectation ?Si les justiciables avaient également un corps constitué, on le citerait.
A défaut, le corps des notaires, celui des huissiers, sans passer sous éteignoir le barreau devraient être consultés dans les processus d’affectation. Non pas pour qu’ils imposent chacun à son niveau des magistrats avec qui ils sont en bons termes, mais plutôt ceux qu’ils estiment plus « diseurs de droit », plus enclins à supporter les pressions extérieures et surtout politiques. Car, qui, mieux que les avocats et les notaires, connaissent les juges de valeur et ceux de bas étage ?Les constats commencent à faire beaucoup.
Après avoir dénoncé les travers de magistrats cupides, corrompus, après avoir fait l’état des lieux de la justice togolaise, l’heure n’est plus aux paroles, mais à l’action. Un proverbe éwé dit qu’à force de garder trop longtemps de l’eau dans la bouche, elle devient de la salive. Si Abdoulaye Yaya tient à redresser la barre du bateau judiciaire, plus tôt il se départira de sentiments affectueux pour faire ce pour quoi il est arrivé, mieux la justice togolaise se portera.
Godson K.
Source : Liberté Togo