Au hasard, j’ai fait un tour éclair vendredi sur la page Facebook de Amnesty International section togolaise, où j’ai lu un post faisant état d’un atelier de formation que cette ONG organise à Aneho sur la participation citoyenne des jeunes filles à la gouvernance locale. J’y apprends, qu’il sera enseigné aux participants et participantes leur droit à la participation, les techniques de leadership et les techniques de plaidoyers.
J’étais justement en train de m’indigner sur le fait que nos gouvernants ne perçoivent pas le besoin de forger des citoyens intègres, compétents, efficaces, vertueux ayant une culture de résultats à travers des initiatives de cette nature qui permettent, une fois qu’elles sont menées avec la plus grande rigueur, de mettre un terme aux cas sociaux que constituent les milliers de diplômés qui sortent de nos universités tous les ans, quand, au journal de 13heures de la télévision nationale, je perçois notre ministre de l’économie et des finances, Sani Yaya, annoncer avec solennité, les mesures prises par le président de la République en personne pour contrer la vie chère.
En égrenant point par point les dix mesures du chef de l’Etat, je réalise qu’elles relèvent toutes du palliatif, d’ordre purement conjoncturel pour circonscrire circonstantiellement les peines que subissent de pleins fouets, les citoyens togolais. En résumé, il est signalé, à travers ledit communiqué, que la valeur indiciaire des salaires et pensions de retraite sera immédiatement revue à la hausse de 10% et cela coûtera annuellement 22,5 milliards de francs CFA à l’Etat. Ensuite la pension de retraite sera additionnellement valorisée de 5% pour les retraités de l’administration publique et privée. A cela s’ajoute une indemnité mensuelle de 10.000f pour le transport au profit de tous les agents de l’administration publique, ce qui coûtera annuellement 8,8 milliards à l’Etat.
Le président Faure a par ailleurs indiqué que le budget de l’Etat consent 7,5 milliards de FCFA pour gratifier les fonctionnaires de l’administration publique et les retraités du reliquat d’un mois d’avance sur salaire qui leur avait été accordé en janvier et dont le remboursement était échelonné sur les 12 mois de l’année. Les parents d’élèves vont aussi bénéficier d’une gratification monétaire spéciale de 3 milliards pour garantir les fournitures scolaires à leurs enfants, en plus de 2,5 milliards de FCFA de subvention servant à l’acquisition de manuels d’écriture et de lecture au bénéfice des élèves de l’enseignement primaire.
En septième point, Faure Gnassingbé annonce augmenter la subvention sur les engrais de 6 milliards de FCFA pour stabiliser leur prix au profit des agriculteurs. La subvention sur les produits pétroliers sera portée à 37,8 milliards soit une augmentation de 30 milliards sur le montant précédemment annoncé. Il en est de même du gaz domestique dont la subvention connaîtra un supplément de 7,7 milliards de FCFA.
Les mesures fiscales prises en faveur du secteur privé dans le cadre de l’Etat d’urgence sanitaire seront toujours en vigueur, en plus des discussions en cours avec les partenaires sociaux et le secteur privé aux fins de revoir à la hausse le salaire minimum interprofessionnel garanti SMIG.
Au Total, le gouvernant donne le sentiment d’être dans l’assistanat permanent des citoyens en prise avec une crise qui les assomme de partout. Le communiqué est présenté comme s’il s’agissait d’une largesse particulière du Président de la République qui s’est donné pour « souci permanent de veiller au bien-être de toutes les couches sociales de la population togolaise » et de viser « l’inclusion et l’harmonie sociale ». Ainsi au bout du communiqué, il exhorte simplement les togolais « à plus d’ardeur au travail, à la solidarité et au renforcement de la cohésion sociale par ces temps de crise afin de relever ensemble le défi de développement inclusif de notre pays», sans pour autant expliquer clairement que les ressources désormais mobilisées pour les causes ainsi annoncées ne viennent pas de sa poche personnelle, mais de celle de chaque citoyen-actionnaire de l’Etat.
Il s’agit en vérité du fruit du labeur du peuple lui-même, une forme de participation des citoyens à la création de la richesse nationale qui s’opère à travers les différentes taxes et impôts perçus auprès du citoyen. En clair, c’est du travail de chaque citoyen que naissent les ressources de l’Etat que le dirigeant est appelé à affecter davantage dans un domaine ou dans un autre, en fonction des besoins et des urgences du moment. Et si l’Etat est bien obligé, malgré la précarité et les difficultés auxquelles sont confrontés les citoyens, de se contenter uniquement des mesures palliatives destinées non pas à changer de leur niveau de vie, mais tout au plus à les maintenir dans la survie, c’est probablement parce que les ressources officiellement disponibles dans les caisses de l’Etat ne sont pas conséquentes pour faire davantage.
Cette hypothèse a été davantage soutenue dimanche par le ministre porte-parole du gouvernement dans une émission sur New World où il a expliqué que l’Etat agit en fonction des ressources disponibles. L’Etat visiblement est lui-même financièrement alité, du fait que la capacité de contribution du citoyen à la création de sa cagnotte est assez faible, sans doute parce que la marge qui lui est faite dans la gouvernance du pays pour agir davantage n’est pas conséquente.
D’où précisément, tout l’intérêt déterminant de former le citoyen lui-même sur sa participation à la gouvernance de son pays, sur l’intérêt pour lui de disposer des aptitudes et compétences requises pour mieux participer au développement de son pays par son apport à toutes les échelles de la vie de sa société. C’est alors que les citoyens eux-mêmes, une fois confiants et suffisamment conscients de leur droit à participer à la vie de la nation, se sentiraient à l’aise à travailler avec plus de fierté, d’abnégation et de dévouement pour donner davantage de moyens au dirigeant d’assoir les socles de construction d’une nation, non pas avec des solutions palliatives et conjoncturelles, mais des principes structurels qui ouvrent la voie à l’évolution progressive de la société qu’il dirige vers les faîtes de l’épanouissement.
Nécessité d’un travail de fond dans la posture du gouvernant lui-même
Tout doit reposer d’abord et avant tout sur le citoyen lui-même, en tant qu’actionnaire incontestable de l’Etat et ses droits de toute nature qu’il importe, dans une gouvernance, de promouvoir à tout prix, afin de le mettre dans le champ de résonance le plus optimal possible en vue de l’amener à révéler la meilleure version de lui-même dont la capitalisation aboutit à plus de production, de rendement et de participation. Ce qui suppose que le processus de l’éducation et de la formation des citoyens devra être totalement revu pour répondre à ce besoin de forge de citoyens compétents et efficaces, aptes à servir la cause commune, à travers laquelle, ils donnent un sens effectif à leur vie.
Il va donc sans dire, que l’attelage actuel que l’on continue d’appeler dans notre pays « système éducatif » ne peut répondre à une telle cause. Sa refonte s’impose de soi. Mais à défaut d’une refonte brusque d’un tel système, il s’avère nécessaire d’emprunter d’autres raccourcis, à travers des écoles de formation parallèles telles que les IFAD initiées opportunément par l’Etat, mais malheureusement très mal conduits.
A cela devra également s’ajouter la capacité du dirigeant à orienter l’investissement des ressources mises à sa disposition par le contribuable dans des secteurs porteurs et à forte croissance, tels que l’agriculture et la culture par exemple. Parler de la capacité du dirigeant suppose qu’il se montre ferme et rigoureux sur l’orthodoxie à imprimer dans la gestion des ressources, sur le tri des personnes missionnées pour une telle gestion et sa disponibilité à sévir conformément aux dispositions de la loi contre tous ceux, par leurs actes, saboteraient ou trahiraient une telle mission. Mais si en tout temps et en tout lieu, l’on note dans la gouvernance de l’Etat une forme de complaisance et de laisser-aller face à des dérapages parfois scandaleux, si l’Etat donne le sentiment aux citoyens qu’il est providentiel et peut s’occuper d’eux sans eux, si enfin, les droits élémentaires des citoyens sont bafoués au point de les abrutir et de les réduire dans la posture des assistés, la perspective d’un déclic qui fournirait plus d’énergie et de puissance à notre peine sera vaine. Tout, malheureusement, se limitera encore et toujours à des artifices, des manœuvres, des jonglages qui plongent le pays et ses occupants dans le surplace ou même le recul permanent.
Luc ABAKI