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Cédéao: une cible dans le dos…

Avec sa trouvaille de force anti-putsch, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest aborde la question des coups d’État de la pire des manières qui soit. Elle va au-devant de problèmes d’une autre nature…

Au sommet d’Abuja, la Cédéao vient de sommer les autorités de Bamako de libérer, avant le 1er janvier 2023, les 46 militaires ivoiriens qu’elles détiennent sous peine de sanctions. Comment comprendre ce retour à une certaine fermeté ?

Il reste à savoir s’il était vraiment indispensable de lancer un tel ultimatum à l’endroit du pouvoir de Bamako. Si, le 1er janvier 2023, la junte venait à ne pas libérer les militaires ivoiriens, et que la réaction de la Cédéao n’était pas assez ferme, cela altérerait un peu plus ce qu’il reste de crédibilité à cette institution. Des menaces aussi définitives pourraient même se révéler contre-productives, avec une junte malienne à l’affût de la moindre occasion, pour toiser et défier ceux qu’elle suspecte d’avoir travaillé à faire du Mali un État paria, acculé dans les bras d’une Russie elle-même réprouvée. Les chefs d’État ouest-africains auraient été certainement mieux avisés de s’abstenir d’introduire, dans ce dossier déjà inextricable, un nouveau paramètre de menace, donc de surenchère.

Que dire alors de la création de la force antiterroriste, chargée de rétablir l’ordre constitutionnel ?

C’est ici que l’on s’interroge sur la consistance des supports de réflexion sur lesquels les chefs d’État fondent des décisions d’une telle gravité. Pourquoi mobiliser des militaires pour écraser les coups d’État, alors qu’il serait tellement plus simple de les prévenir, en s’attaquant à leurs causes réelles ? Ce pourrait être hasardeux et risqué de vouloir traquer, sur leur propre terrain, des putschistes déterminés. Entre autres conséquences imprévisibles, les apprentis-putschistes pourraient, face à cette épée de Damoclès, prendre les devants, en rendant sans objet toute opération de restauration des dirigeants renversés.

Comment donc ?

Thomas Sankara a été tué, alors que Blaise Compaoré, pour qui il était un grand-frère et un ami, aurait pu se contenter de le déposer. Mais, avec sa très grande popularité, Sankara comptait des partisans capables de risquer leur vie pour le remettre en selle. Mort, il ne posait plus problème.

Au Niger, le général Ibrahim Baré Maïnassara, bien que moins populaire, comptait dans l’armée des soutiens capables de le ramener au pouvoir. Alors, le commando putschiste, sur le tarmac de l’escadrille militaire de Niamey, a préféré le pulvériser. À l’arme lourde, le déchiquetant en mille morceaux.

C’est à cette même logique de cynisme qu’obéissaient la plupart des autres assassinats de chefs d’État survenus sur le continent depuis janvier 1963 : Sylvanus Olympio, François Tombalbaye, Murtala Muhammed, Marien Ngouabi, Anouar el-Sadate, Mouammar Kadhafi, et tant d’autres, que les putschistes ne pouvaient se permettre de juste déposer. Autant dire que les chefs d’État de la Cédéao, qui rêvaient, avec cette force, de dissuader les putschistes, ne feraient peut-être que s’accrocher… une cible dans le dos !

Chronique de Jean-Baptiste Placca du 10 décembre 2022

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