Avec des valeurs communes, des règles claires, respectées par tous, dans le sérieux et la rigueur, l’Afrique aura toujours de bonnes chances de s’en sortir. Au football comme dans le développement industriel.
« Chaque Africain vibre pour chacune des équipes africaines présentes au Qatar », disiez-vous ici la semaine passée. Qu’est-ce que cela suppose de l’importance du football dans la vie des nations africaines ?
Dans chaque pays, la sélection nationale est le lieu où s’estompent les rivalités, comme les dissensions politiques, confessionnelles, régionalistes ou autres. Le football joue un rôle tout aussi inestimable au niveau continental. Il n’y a, pour s’en convaincre, qu’à écouter les messages des auditeurs de toutes nationalités, régulièrement relayés par le service des sports de RFI, durant les retransmissions. C’est la magie du sport-roi que d’irradier de telles sensations à l’Afrique. S’il fallait une preuve ultime de ce que le rêve panafricaniste n’est pas totalement mort, ou qu’il peut encore être ressuscité, elle est dans cette capacité des Africains à vibrer et à souffrir pour des sélections africaines autres que la leur, dans la ferveur et avec une spontanéité, que les politiques sont bien incapables d’insuffler à leurs peuples.
Le football au secours du panafricanisme, n’est-ce pas d’un optimisme un peu excessif ?
Cela ne signifie nullement qu’il suffirait d’actionner cette solidarité panafricaine dans le football pour que, sans aucun effort d’imagination, sans un leadership clairvoyant, les États-Unis d’Afrique surgissent de six décennies de manque de courage politique et de balkanisation voulue ou subie.
Quelques chefs d’État africains, réunis la semaine dernière à Niamey, au Niger, ont, par exemple, affiché de grandes ambitions pour l’industrialisation de l’Afrique. On en oublierait presque, qu’en avril 1980, une stratégie, construite, d’industrialisation de l’Afrique était déjà contenue dans le Plan d’action de Lagos, élaboré par d’éminents économistes et experts africains réunis par l’Organisation de l’Unité africaine. Au-delà des sommets et des résolutions, les objectifs que se fixent les États n’ont d’intérêt que s’ils sont assortis de règles claires, que tous respectent scrupuleusement, y compris ces dirigeants persuadés que leur bonheur ne peut se faire qu’aux dépens des autres. L’industrialisation de l’Afrique ne saurait être une superposition d’aventures solitaires !
En quoi consistent-elles donc, ces aventures solitaires ?
Ici, des chemins de fer dans un pays enclavé, qui ne trouvent pas le prolongement prévu dans tel État voisin avec une ouverture sur l’océan, au nom d’intérêts égoïstes. Là, de belles routes inter-États, qui s’arrêtent brusquement à la frontière, parce que le voisin a oublié de faire sa part du devoir.
L’industrialisation de l’Afrique implique une complémentarité des canaux par lesquels écouler la production industrielle. Elle implique de la rigueur, beaucoup de sérieux, sur la base de valeurs communes, excluant toute gouvernance propice aux aventures putschistes, avec leur cohorte de fermetures de frontières. Ce n’est vraiment pas dans les belles résolutions, sur le papier, que l’on apprend à vivre en communauté !
Chronique de Jean-Baptiste Placca du 3 décembre 2022