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Saturday, May 4, 2024
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Gabon-Responsables, les uns pour les autres…

Chaque putsch altère la signature et la crédibilité de l’Etat concerné. Et, souvent aussi, celles de ses voisins. Un coup d’Etat n’a rien de glorieux pour un peuple !

Une semaine à peine après son putsch, le général Oligui Nguema déroule son agenda, avec une surprenante sérénité. Ali Bongo est libre de ses mouvements, et les opposants, adhèrent ou acceptent la nouvelle donne. Par quel miracle ce coup d’État est-il aussi facilement « compris » par l’Afrique, « accepté » par le reste du monde, et applaudi, au Gabon, par une population qui porte les putschistes en triomphe ?

Comme tous les peuples de la terre, les Gabonais avaient une soif de héros à admirer, sinon de modèles à copier… C’est souvent ainsi, lorsque sombre toute joie, et que s’amoncèlent les frustrations. Une arrogance que rien ne justifie avait aveuglé ce pouvoir, qui a minimisé le rejet du peuple qui le subissait. Débarrasser les Gabonais d’un chef d’État autant vomi a suffi pour faire endosser aux militaires le beau rôle de héros. Pour le reste, tout est dans la proclamation de coup d’État, catalogue des mécontentements accumulés par la population, bien au-delà des griefs des seuls frustrés et autres laissés-pour-compte. Chaque catégorie de citoyens s’y retrouve. C’est presque la gloire acquise à bon marché. Très utile, à court terme. La suite tient au général-président : changer, pour le meilleur, le destin de son peuple ; ou se révéler, comme tant d’autres, ailleurs, pire que le mal qu’il prétendait combattre.

Le Gabon est un nouveau venu dans l’Afrique des putschistes. C’est la première fois, depuis l’indépendance, qu’un coup d’État aboutit dans ce pays. L’euphorie des Gabonais tient donc, d’abord, au fait que peu sont enclins à s’apitoyer sur le sort d’Ali Bongo. Cet homme, diminué par la maladie, avait un rapport réputé violent au pouvoir. En d’autres temps, sa réaction aurait été foudroyante. Il est seul, désormais, et personne ne le prend en pitié. Ite missa est !

Cela suffit-il à faire des putschistes d’authentiques héros ?

Au Gabon ou ailleurs, ceux qui acclament les putschistes ont souvent la mémoire courte. Dans tel ou tel pays, ces mêmes militaires se sont, dans un passé pas si lointain, illustrés par leur brutalité contre ceux qui les acclament aujourd’hui. Mais, toute voix qui rappellerait ces faits serait inaudible, dans l’euphorie actuelle. Le temps de la lucidité viendra. En attendant, le général a un répit. Pour entrer dans l’Histoire. Ou pour décevoir, comme tant d’autres putschistes, héros d’un temps. L’Afrique, heureusement, compte aussi quelques rares putschistes qui ont fait progresser leurs peuples.

Mais, quelles que soient les raisons qui le motivent, un coup d’État n’a rien de glorieux pour un peuple !  L’Afrique aurait donc tort de se complaire, ici, dans la troublante notion de coups d’État utiles ou nécessaires. Car chaque putsch altère la signature et la crédibilité de l’État et, souvent aussi, celles de ses voisins, surtout lorsqu’ils appartiennent à un même ensemble.

En quoi un putsch, ailleurs, peut-il affecter le crédit des voisins ?

Ceux qui ont suivi, cette semaine, le sommet de Nairobi sur le climat ont eu connaissance du fameux Rapport de l’Agence internationale de l’énergie et de la Banque africaine de développement. Donc, de cette petite phrase prêtée aux investisseurs, qui soutiennent que « Financer des projets en Afrique est trop risqué ».

Le capital a un coût, qui découle toujours de l’image que projette un pays… Ou une communauté.

Il est illusoire d’espérer, par exemple, que cinq coups d’État dans trois des huit États de l’Union économique et monétaire ouest-africaine peuvent ne pas avoir d’incidence sur la signature de ces pays, pour lever des fonds sur le marché des capitaux. Les plus vertueux paieront donc pour les cancres. Voilà pourquoi, en communauté, l’on se doit d’être responsables, les uns pour les autres.

Chronique de Jean-Baptiste Placca

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