Le dernier rapport de la Banque Mondiale sur l’évaluation des politiques publiques en Afrique (CPIA 2023) a fait état du bond en avant réalisé par le Togo en termes de réformes et de gestion publique. En effet, ledit rapport indique que le pays situé entre le Ghana et le Bénin est passé de 3.0 en 2016 à 3.7 en 2022.
C’est donc une performance nette et sans bavure dans des domaines aussi divers que la gestion économique, les politiques structurelles, ou encore des initiatives d’inclusion sociale et d’équité. Le Togo se retrouve du coup dans le Top 5 africain (sur les 39 États évalués et éligibles aux ressources de l’Association internationale de développement (IDA) de la Banque), aux côtés du Sénégal et de la Côte d’Ivoire (tous décrochant un score de 3,7). La troisième place lui est même adjugée si on étend le classement à l’Afrique de l’Ouest et Centrale.
Des résultats qui font plaisir naturellement à Sandra Ablamba Johnson, ministre et Secrétaire Générale de la Présidence, pour qui « les avancées enregistrées par le Togo dans le classement CPIA depuis 2017 reflètent les bénéfices tangibles des réformes institutionnelles et économiques que nous avons engagées ». Au reste, la ministre entend garder le cap. Mine de rien, le Togo se positionne nettement par rapport à ses voisins qui font pâle figure. Le Togo, c’est donc une oasis dans ce désert africain où plus d’un pays décroche économiquement parlant. On s’en serait félicité à l’envi, s’il n’y avait pas lieu de se demander de quoi cette progression vantée du Togo est-elle réellement le signe. Est-ce le signe que les Togolais, désormais repus, n’auront plus à craindre pour l’argent de la popote, ne se feront plus du souci pour se soigner dignement, s’instruire convenablement et avoir une perspective d’avenir sans avoir peur de quoi demain sera fait ? Ce bond en avant symbolise-t-il in fine le changement de condition de vie sociale des Togolais ?
N’en déplaise à Sandra Johnson, le Togo dont on vante les mérites continue pourtant d’héberger des écoles dont les murs s’effondrent littéralement sur des élèves, avec mort d’homme à la clé. Au Togo dont on vante les mérites, l’inondation empêche souvent les élèves de faire leur rentrée scolaire. Le Togo dont on vante les mérites a vu 154 675 de ses écoliers (venus de 202 écoles) bénéficier de repas quotidiens pour les cinq prochaines années, grâce non pas aux efforts du gouvernement himself, mais à l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique. Cherchez l’erreur. Comment peut-on porter aux nues un système étatique qui a du mal à assurer l’autosuffisance alimentaire ? Quel crédit accorder à un gouvernement qui n’en finit plus de faire emprunts budgétaires sur emprunts budgétaires, et qui est endetté jusqu’au cou ? Qui règlera les ardoises qu’aura laissés un gouvernement porté sur la gabegie et la mal gouvernance ? Si le Togo avait réellement réalisé des performances en politiques structurelles, dans des initiatives d’inclusion sociale ou d’équité, les Togolais n’en seraient pas encore à subir les retombées désobligeantes de pénurie de carburant.
Les avancées enregistrées par le Togo dans le classement CPIA depuis 2017 ont beau refléter les bénéfices tangibles des réformes institutionnelles et économiques que nous avons engagées, mais cela ne change pas la vie précaire que mène la majorité des Togolais.
Sodoli KOUDOAGBO