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Togo- Mise au point de l’OIF sur l’audit du fichier électoral: Des OSC dénoncent des contre-vérités et une fuite de responsabilité de l’institution

Dans une lettre ouverte datée de ce lundi 27 novembre 2023, le collectif des organisations de la société civile au Togo et de la diaspora saisit à nouveau la Secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Le collectif revient sur la dernière mise au point de l’OIF au sujet de l’audit du fichier électoral togolais. Il dénonce des contre-vérités et une fuite de responsabilité de l’institution. Lisez !

Madame Louise Mushikiwabo, 

Secrétaire générale de l’Organisation  Internationale de la Francophonie (OIF), 

19-21 Avenue Bosquet – 75007  Paris-FRANCE.

 Lomé, Paris, le 27 novembre 2023 

Objet : Concerne la mise au point du 24 novembre 2023 de l’OIF sur l’audit du fichier  électoral togolais 

Madame la Secrétaire générale, 

Suite à la lettre ouverte que nous vous avons adressée le 22 novembre 2023 et au regard du  tollé général qu’ont suscité les conclusions des experts de l’OIF sur le fichier électoral  togolais, votre organisation a rendu publique une mise au point le 24 novembre 2023 qui ne  manquera pas de provoquer une fois encore de notre part des observations, dans la mesure où  cette mise au point recèle tant des contre-vérités que des contradictions internes qui induisent  une fuite de responsabilité de la part de l’OIF. 

Des contre-vérités graves et indignes de l’OIF 

Madame la Secrétaire générale, 

1. Dans son communiqué portant mise au point visée en objet, l’OIF a affirmé aux points 2  et 3 que « les principes de transparence et d’inclusivité, induisant l’implication d’un  spectre représentatif de la classe politique et de la société à la supervision » ont guidé la  mission d’audit et que le Comité d’audit était composé des différentes sensibilités  (majorité, opposition et société civile), avant d’indiquer que « Le 25 octobre 2023, les  experts de l’OIF ont rencontré les membres de ce Comité d’audit, pour partager avec ces  derniers leurs constats et recommandations. À l’exception de ceux de la société civile, les  représentants des partis politiques (Majorité et Opposition) étaient présents ». 

Or, dans ses conclusions livrées lors de la rencontre avec les professionnels des médias,  les experts de l’OIF ont déclaré avoir « travaillé tout au long de l’opération d’audit selon  une approche de collaboration impliquant les membres d’un comité composé d’experts de  l’OIF, de la CENI, de représentants de partis politique (majorité parlementaire,  opposition parlementaire et opposition extra-parlementaire) et de la société civile ». 

Ce rétropédalage qui dénote de la contradiction de l’OIF entre sa position de départ et son  communiqué, nous amène à souligner le manque de sérieux et de rigueur dans la conduite  de la mission qui a conclu avec une légèreté blâmable, à la fiabilité du fichier électoral  togolais. En somme, il s’agit là de deux versions différentes de votre même institution, ce  qui peut laisser présager une absence d’honnêteté dans sa démarche. 

En rappel, il est opportun et important de relever que la Concertation nationale entre  acteurs politiques (CNAP) est un cadre composé exclusivement de partis politiques depuis  sa création. Elle n’inclut donc nullement les organisations de la société civile,  contrairement à ce que le gouvernement togolais a laissé croire à l’OIF et qui transparaît  clairement dans sa mise au point du 24 novembre 2023 : « La demande précise que cet  audit ait été demandé à l’OIF, sur la base des recommandations formulées par les acteurs  politiques et de la société civile togolaise, précisément à l’issue du dialogue politique qui  s’est déroulé en 2021 au sein de la Concertation nationale entre acteurs politiques  (CNAP) ». 

Un travail rigoureux, incluant les organisations de la société civile, et basé réellement sur  les critères d’inclusivité, d’exhaustivité, d’actualité et d’exactitude, aurait permis à l’OIF  d’éviter cette première erreur. 

Ce constat entache le principe d’inclusivité et de représentativité dont parlent les experts  de l’OIF, alors même que tous les acteurs politiques de l’opposition n’ont pas été invités à  prendre part à cette mission d’audit. 

Enfin, l’OIF a choisi de marginaliser la société civile togolaise dans le processus d’audit,  ce qui pousse désormais nos organisations à refuser de croire que votre institution  prétende s’enrichir en prenant appui sur un grand nombre d’associations de citoyens sur  le terrain, et faire de la société civile un fondement essentiel de la cohésion sociale et de  la démocratie ; un partenaire de la Francophonie, qui est à la fois un relais de plaidoyer  sur la scène internationale, un vecteur de mise en œuvre des programmes francophones  sur le terrain, mais aussi un acteur à part entière dans la définition et la conduite  d’initiatives au plus près des populations (https://www.francophonie.org/node/28) ; de  même, nos organisations refusent de croire quand l’OIF prétend que sa valeur ajoutée  réside dans le partage des expériences, les bonnes pratiques et les leçons apprises, mais  aussi la collaboration inclusive avec les différentes parties prenantes, les réseaux  professionnels existants et la société civile (https://www.francophonie.org/notre-valeurajoutee-41). 

Des contradictions internes qui entachent inéluctablement les conclusions  des experts de l’oif sur le fichier électoral togolais 

2. Lors de la rencontre avec les professionnels des médias au siège de la Commission  électorale nationale indépendante (CENI) pour la remise du rapport de l’audit au président  de la CENI, le jeudi 16 novembre 2023, votre Conseiller spécial, politique et  diplomatique, certainement chef de cette mission d’audit, monsieur Désiré Nyaruhirira, a  déclaré, avec affirmation et sans aucune réserve, au cours de cette conférence de presse  que : « Après les vérifications et analyses menées, les Experts ont livré des conclusions  rassurantes sur la qualité du fichier électoral togolais, ceci en termes de fiabilité de  l’opération de recensement des électeurs, de son caractère biométrique et de sa  représentativité géographique et sociologique dans les trente-neuf (39) préfectures et cinq  (05) régions du pays ». 

Cependant et chose très curieuse, votre mise au point du 24 novembre 2023 indique que  « L’OIF invite à ne pas confondre son rôle dans ce contexte avec celui d’autres acteurs  intervenant dans le processus électoral togolais. Elle tient à rappeler que le mandat de sa  mission d’expertise au Togo était circonscrit exclusivement à l’audit du fichier électoral et  non à l’audit de l’ensemble des problématiques liées au processus électoral de manière  générale. Un audit de fichier électoral n’étant qu’une étape parmi tant d’autres de ce  processus, l’OIF ne saurait être tenue pour responsable de défaillances relevées lors de la  période d’inscription des électeurs ». 

Madame la Secrétaire générale, 

3. Nos organisations condamnent avec la plus grande énergie ces contradictions, cette  légèreté blâmable, ce manque de rigueur, d’intégrité et de cohérence dont l’OIF, votre  organisation, a fait preuve dans sa démarche, et ce, pour trois raisons fondamentales. 

D’abord, l’OIF revient dans sa mise au point du 24 novembre 2023 pour dire n’être pas  tenue pour responsable de défaillances relevées lors de la période d’inscription des  électeurs, et défaillances il y en avait effectivement eues. Alors, sur quelles bases ses  experts se sont fondés pour affirmer quelques jours auparavant, et sans aucune réserve,  qu’ils « ont livré des conclusions rassurantes sur la qualité du fichier électoral togolais,  ceci en termes de fiabilité de l’opération de recensement des électeurs » ? 

Non ! La responsabilité de l’OIF dans cette démarche est pleine et entière dans la mesure  où c’est sans nul doute sur la base de cette analyse qu’elle a déclaré fiable le fichier  électoral togolais.

Ensuite, Madame la Secrétaire générale, en tant qu’experts, les chargés de la mission  d’audit de l’OIF ne sauraient ignorer qu’un fichier électoral est le premier produit du  recensement électoral. Et en tant que tel, si des défaillances ont été relevées lors de la  période d’inscription des électeurs, il n’y a aucun doute que ces défaillances impactent  automatiquement et directement la consistance, l’intégrité et par voie de conséquence, la  fiabilité du fichier électoral qui en est le résultat. 

Enfin, c’est en vain que l’OIF cherche à s’exonérer de toute responsabilité comme elle  tente de le faire, en essayant de flouer l’opinion et en mettant prétendument en avant le  fait que « le mandat de la mission d’expertise [de l’OIF] au Togo était circonscrit  exclusivement à l’audit du fichier électoral et non à l’audit de l’ensemble des  problématiques liées au processus électoral de manière générale ». 

Premièrement, NON, car pourquoi dans ce cas parle-t-elle de la « fiabilité de l’opération  de recensement des électeurs » ? 

Deuxièmement, cela serait en forte contradiction avec les principes de base de l’OIF  contenus dans la déclaration de Bamako, particulièrement et en ce qui concerne la tenue  d’élections libres, fiables et transparentes, votre organisation s’étant engagée à :  « S’assurer que l’organisation des élections, depuis les opérations préparatoires [donc le  recensement électoral] et la campagne électorale jusqu’au dépouillement des votes et à la  proclamation des résultats, y inclus, le cas échéant, le contentieux, s’effectue dans une  transparence totale et relève de la compétence d’organes crédibles dont l’indépendance  est reconnue par tous » ; « Garantir la pleine participation des citoyens au scrutin, ainsi  que le traitement égal des candidats tout au long des opérations électorales » ;  « Impliquer l’ensemble des partis politiques légalement constitués, tant de la majorité  que de l’opposition, à toutes les étapes du processus électoral, dans le respect des  principes démocratiques consacrés par les textes fondamentaux et les institutions, et leur  permettre de bénéficier de financements du budget de l’État ». 

4. Ce n’est donc pas faux de tirer cette conséquence que si les opérations de recensement ont  été émaillées de dysfonctionnements, de défaillances et d’irrégularités, le fichier électoral  qui en est directement le résultat manquera nécessairement de consistance et d’intégrité ; il  ne peut donc pas être fiable, c’est-à-dire refléter l’image du corps électoral togolais. 

5. Les missions de l’OIF ne sont jamais détachables du contexte dans lequel elles se mènent :  l’OIF rend public son rapport d’audit au moment où deux journalistes de la presse privée  sont en détention et certains (trois) contraints en exil ; les manifestations des organisations  politiques et de la société civile sont systématiquement interdites ou réprimées ; une  centaine de personnes détenues pour leur opinion politique et certaines encore sont  contraintes à l’exil. Nos organisations insistent sur le fait très important que ces atteintes  aux droits de l’Homme surviennent beaucoup plus et prennent de l’ampleur avant, pendant  et après les échéances électorales. 

6. L’OIF avait l’impérieuse obligation, au regard de ses textes fondateurs et en tenant compte  de ce contexte, d’agir avec plus de professionnalisme et d’étudier la recevabilité de la  demande d’audit introduite par le gouvernement togolais. En tout état de cause, le  contexte politique togolais devait guider son action afin de juger la légitimité et la  crédibilité de l’institution demanderesse de l’audit. Autrement dit et à l’extrême, l’OIF  n’accepterait pas une demande d’audit du fichier électoral de la Corée du Nord ou de  l’Afghanistan sous prétexte qu’elle a reçu la demande de leur commission électorale. 

7. Nos organisations ne manqueront de relever le fait qui est très regrettable que c’est après  avoir conclu au caractère fiable du fichier électoral togolais que l’OIF évoque, non sans  ironie et par manque d’adresse, le principe du contradictoire, en indiquant dans sa mise au  point que : « Au nom du principe du contradictoire, ce rapport ainsi mis à la disposition  de la CENI peut faire l’objet de commentaires et/ou d’observations éventuels de la part  des partenaires togolais. Les acteurs politiques nationaux intéressés peuvent dès lors  prendre attache avec la CENI et, si besoin, faire valoir leurs objections et alternatives aux  analyses techniques et scientifiques effectuées sur le fichier électoral par les experts de  l’OIF ». L’on se demande alors à quelle fin ? C’est purement et simplement une  aberration, une fuite en avant, un faux-fuyant. 

En conclusion 

Madame la Secrétaire générale, 

8. Il ne fait pas de doute que c’est à la lumière des contre-vérités et contradictions internes  ci-dessus relevées que les experts de l’OIF ont conclu « que le fichier électoral togolais  est suffisamment fiable pour permettre la tenue des prochaines élections régionales et  législatives dans les conditions de confiance ». 

Ces contre-vérités, ces contrariétés internes, ces manquements graves, pour ne pas dire ces  mensonges, entachent gravement la crédibilité de l’OIF, et par voie de conséquence, de  tout le travail produit par ses experts sur le fichier électoral togolais.  En voulant faire la volonté du maître d’ouvrage qu’est le régime togolais et lui être  complaisante, et en se refusant par ailleurs de voir la réalité en face, la mission de l’OIF a  trahi ses propres principes et valeurs et s’est décrédibilisée aux yeux des Togolais et de  l’opinion internationale. Dans cette logique, ses conclusions tendant à déclarer fiable le  fichier électoral togolais ne peuvent nullement valoir. 

9. En outre, ces comportements et manquements graves qui dénotent d’une inconstance et  d’une incohérence dans la position des experts de l’OIF, sont une violation du Code  d’éthique et de conduite de l’OIF du 1er janvier 2014, révisée le 5 septembre 2023, qui  indique notamment en ses points 7, 10 et 23 que les membres du personnel de l’OIF  doivent avoir une conduite conforme aux normes de la fonction publique internationale :

 « Les membres du personnel doivent adopter, en toutes circonstances, une conduite  conforme à leur statut de membre du personnel d’une organisation internationale et aux  normes de conduite de la fonction publique internationale. Ils s’acquittent de leurs  fonctions sous l’autorité du ou de la Secrétaire général(e) en ayant exclusivement en vue  les intérêts de l’Organisation. Ils font preuve de loyauté, de prudence, de probité et  d’intégrité et se comportent avec honnêteté dans l’exercice de leurs fonctions. Ils  accomplissent leurs tâches de la façon la plus efficace possible, afin d’atteindre les  objectifs et de produire les résultats dont ils sont responsables ». 

10. Et à cette allure, il faut craindre que l’OIF ne soit l’instrument de pérennisation des  dictatures et des régimes d’oppression, toutes choses qui sont carrément aux antipodes de ses principes, de ses valeurs et de sa vision, en particulier de sa programmation 2024-2027  comme stratégique de la langue française au service de la démocratie et de la  gouvernance, par la création d’un État civil, le renforcement de l’État de droit, des droits  de l’Homme et de la justice, la prévention et lutte contre les désordres de l’information,  l’accompagnement des processus démocratiques, le soutien à la paix et à la stabilité. 

11. La mise au point n’est donc autre chose qu’une manigance de l’OIF destinée à masquer  les manquements graves et décevants relevés dans la mission de ses experts pour l’audit  du fichier électoral togolais ; et les Togolais ne sont pas prêts à l’accepter pour une énième  fois. 

12. C’est pourquoi nos organisations demandent avec insistance et une fois encore à l’OIF de  s’en rétracter purement et simplement ; il y va de sa crédibilité et de sa vision : « devenir,  à l’horizon 2030, un espace solidaire mieux gouverné, inclusif, numérique, innovant,  durable et prospère, au profit du mieux-être des populations, au premier rang desquelles  les jeunes et les femmes », comme vous le mentionnez dans votre avant-propos à la  Programmation 2024-2027 de l’OIF.  Faute de quoi nos organisations maintiennent et réitèrent la complicité de l’OIF dans la  responsabilité de tout ce qui adviendrait dans le coup de force constitutionnel et électoral  en cours du gouvernement par rapport aux prochaines consultations électorales au Togo, et  elles se réservent le droit de faire des recours devant les juridictions internationales, le  moment venu. 

Dans l’attente que le contenu de notre lettre retienne votre bienveillante attention, nous vous  prions de croire, en l’expression de notre considération distinguée. 

Pour les Organisations,

 M. Daguerre K. AGBEMADOKPONOU (ALCADES)  M. Monzolouwè B. E. ATCHOLI KAO (ASVITTO)  M. Chris Yayra AGOBIA (CODITOGO)  M. Christophe Komlan TETE (GAGL)  M. Bassirou TRAORE (GCD)  M. Koffi DANTSEY (GLOB)  M. Poro EGBOHOU (FDP)  Dr Emmanuel H. SOGADJI (LCT)  Me Célestin Kokouvi G. AGBOGAN (LTDH)  Me Raphaël N. KPANDE-ADZARE (MCM)  M. Issaou SATCHIBOU (MJS)  M. Bertin BANDIANGOU (SEET) 

Ampliations :  Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO  Union Africaine  Organisation des Nations Unies / SG de l’ONU  Parlement européen  Assemblée nationale française  Union européenne  Service européen pour l’action extérieure  Délégation de la Commission de l’UE au Togo  Ambassade d’Allemagne au Togo  Ambassade des USA au Togo  Ambassade de la France au Togo  Coordination du Système des Nations Unies au Togo  Presse locale et internationale 

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Saint Vodou Aguê
Saint Vodou Aguê
November 29, 2023 10:01 pm

J’espère que les africains arrivent un jour à s’organiser tout seul pour élire leur propre dirigeant. À mon avis, je ne vois pas ce que vient chercher encore la francophonie dans l’affaire des africains .

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