Il a fallu deux semaines d’attente, marquées par spéculations et rumeurs, avant que les autorités togolaises ne rompent le silence. Dimanche dernier, le Procureur de la République près le Tribunal de Lomé, Talaka Mawama, a publié un communiqué concernant l’affaire du cyber-activiste Steve Amoussou, connu sous le nom de « Frère Hounvi », arrêté à Lomé et incarcéré au Bénin. Toutefois, ce communiqué a suscité des surprises, car il semble manquer de précisions essentielles pour une compréhension complète de la situation.
Certains observateurs estiment que le communiqué pourrait donner l’impression que l’accusation manque de fondement solide et pourrait nuire à la réputation du Bénin et de son système judiciaire. En mentionnant des noms supposés et en établissant des liens non confirmés avec un haut fonctionnaire béninois, le communiqué pourrait renforcer des suspicions de partialité et de précipitation. Il semble peu probable qu’une telle arrestation ait pu se faire sans la collaboration des forces togolaises, selon plusieurs experts.
« Dans la forme de l’acte et sur les éléments factuels élevés par le Procureur de la République, nous sommes en face là d’une légèreté à laquelle les autorités policières du Togo ne nous ont pas habitués. Pour un régime “militaire”, l’acte passé est comme un affront », souligne une source dans le domaine de la sécurité.
Le Procureur évoque quatre individus impliqués, mais n’en a identifié que trois, ce qui soulève des questions sur la précision et la rigueur de l’enquête préliminaire. De plus, la déclaration du Procureur intervient après que onze organisations de la société civile togolaise ont exprimé leurs préoccupations sur cette affaire.
« … la complicité ou l’implication des autorités togolaises dans cet enlèvement ne souffre d’aucune ambiguïté, contrairement aux esprits manipulés qui tentent de soutenir le contraire et de divertir l’opinion. Car si une complicité entre l’État togolais et l’État béninois n’était pas avérée, l’acte serait considéré comme un affront diplomatique qui viole les conventions sur les relations internationales et en interne déjà, plusieurs autorités en charge de la sécurité auraient été limogées sans compter d’autres incidents diplomatiques », avaient-elles déclaré, le 22 août dernier, donc 03 jours avant la sortie du Procureur. Dans l’un ou l’autre des cas, les autorités togolaises ne peuvent dire autre chose, car l’un implique une sérieuse déculottée aux services togolais et l’autre une coopération pénale, ce que le Togo n’est pas prêt à assumer au risque de faire fuir les investisseurs et autres partenaires rassurés par la protection juridique.
Sur le plan juridique, la déclaration est perçue comme une remise en question de la présomption d’innocence. Imputer une arrestation en sol étranger à des citoyens béninois dont une autorité nationale pourrait être perçu comme une provocation directe à un État voisin. Beaucoup de question restent en suspens dans cette affaire. La déposition des deux suspects (une esthéticienne et un conducteur de taxi moto) suffit-elle à incriminer aussi légèrement des autorités d’un pays voisin ? Une telle arrestation peut-elle prospérer sans des complicités internes ?
En tout cas, depuis la sortie du Procureur au Togo, aucune réaction officielle n’est encore enregistrée au Benin. La justice béninoise fait plutôt preuve d’une sérénité sans équivoque.
Notons que Steve Amoussou qui critiquait les autorités béninoises via les réseaux sociaux, est poursuivi pour « harcèlement par voie numérique, production et diffusion de fausse nouvelle et incitation directe à la rébellion ». L’homme est actuellement placé sous un mandat de dépôt au Bénin, en attendant son audience prévue pour le 7 octobre 2024.