Togo- Ve République : Ruse réussie, ambiguïtés persistantes

Arrivé à la tête du pays en février 2005 dans des conditions peu reluisantes, suite au décès de son père, feu Gal. Eyadema, Faure Gnassingbé, après 20 ans de gouvernance dont le bilan laisse à désirer, invente un régime parlementaire atypique qui lui confère désormais un pouvoir à vie.

« ‘Si tu veux vivre, fais tout pour garder ce que je me suis battu pour avoir, sinon tu n’auras pas d’avenir sans cela’. C’est ce que son papa lui a dit sur le lit de mort. Et c’est ce qu’il est en train de faire en tant que fils attentif et choix de son père », explique Madi Djabakate, politologue et essayiste togolais,  au micro de DW.

Désigné samedi dernier Président du Conseil par son parti, majoritaire à l’Assemblée nationale, Faure Gnassingbé s’est vu attribuer la magistrature suprême sans passer par les urnes. À 59 ans (le 6 juin prochain), il concentre désormais entre ses mains l’ensemble des pouvoirs exécutifs, en vertu de sa nouvelle Constitution brodée sur mesure. Celle-ci a été adoptée en catimini, au cœur de la nuit, en avril 2024, par des députés en fin de mandat, puis promulguée le 6 mai. Par ce tour de force institutionnel, le régime enterre définitivement le droit du peuple togolais à élire son président au suffrage universel direct — une rupture grave avec les principes démocratiques.

La ruse

Conformément à la Constitution adoptée par référendum en 1992, le Togo aurait dû organiser en cette année 2025 une élection présidentielle. Dans un pays où les scrutins sont régulièrement entachés d’irrégularités, il ne faisait aucun doute que le régime en place reconduirait, sans surprise, Faure Gnassingbé pour un cinquième mandat. Un mandat de trop, qui aurait attiré l’attention critique de la communauté internationale — car il serait devenu le premier dirigeant de la sous-région ouest-africaine à franchir un tel seuil.

Et c’est précisément pour éviter cet embarras diplomatique que le titulaire du MBA et ses conseillers de Lomé II ont invité ce stratagème de Ve République, avec une nouvelle loi fondamentale qui lui ôte le titre de président de la République, tout en lui laissant l’intégralité du pouvoir. Le nouveau président de la République élu par le congrès avec un mandat limité et réduit à un rôle symbolique, devient une simple façade. Une manœuvre politique habile, certes, mais que beaucoup considèrent comme une ruse grossière.

« Lorsque la CEDEAO évoluera vers la réforme du protocole qui va vouloir limiter les mandats, il va tout simplement dire que la nouvelle Constitution respecte déjà la limitation de mandats, puisque le président de la République a son mandat limité. Pourtant, nous savons tous qu’il n’a aucun pouvoir. Cela devient une vraie présidence à vie. Et c’est une ruse, mais le peuple togolais n’est pas dupe », a souligné Prof. David Dosseh, le premier porte-parole du Front citoyen Togo debout.

Une République pleine d’ambiguïtés

La création de la Ve République soulève de nombreuses interrogations, notamment en matière de protocole et de représentativité. Qui, désormais, doit accueillir qui lors des cérémonies officielles ? Le Président de la République, réduit à un rôle symbolique, ou le Président du Conseil, véritable chef de l’exécutif ? Quelle photo officielle devra figurer dans les institutions publiques ? Celle du garant de l’unité nationale ou celle de l’homme qui détient réellement le pouvoir ?

Autre question : Faure Gnassingbé, en tant que Président du Conseil des ministres, cédera-t-il le palais de Lomé II au nouveau Président de la République et s’installera-t-il à la Primature ?

Malgré une contestation persistante au sein de la population, cette réforme est désormais en vigueur. Elle consacre une nouvelle architecture du pouvoir, façonnée sur mesure, dont les implications pratiques et politiques restent à mesurer.

One thought on “Togo- Ve République : Ruse réussie, ambiguïtés persistantes

  1. Expliquons à la population, que la seule façon valable de changer la situation, c’est de voter contre le parti au pouvoir… Le reste c’est une perte de notre temps.

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