Togo–Éducation : Voici l’intégralité de l’interview du ministre Kokoroko sur la grève des enseignants

Reçu vendredi dernier sur le plateau de la TVT, le ministre des Enseignements primaire, secondaire, technique et de l’Artisanat, Prof Dodzi Kokoroko, s’est prononcé sur les dissensions qui interviennent dans le secteur de l’éducation, notamment la grève des enseignants ainsi que la sanction infligée aux 1192 directeurs d’établissements du préscolaire et primaire public. Dans une interview sur la chaine nationale, il y fait le point.

Voici donc l’intégralité de l’interview du ministre Dodzi Kokoroko

Explication de la décision

« La question éducative est un bien trop précieux pour être laissé aux amateurs et à tous ceux qui se livrent à des conclusions hâtives et circonstanciées sur fond d’émotions. De quoi s’agit-il ? Remontons le temps. Le gouvernement avait signé avec les syndicats, et de façon assez responsable, un protocole d’accord. Et ce protocole d’accord a fait l’objet d’interprétations erronées et variées de certains syndicats. La doctrine du ministère des Enseignements primaire et secondaire et du Dialogue social demeure le dialogue. Nous nous sommes retrouvés, nous avons relu ce protocole d’accord en mettant les points sur les dits, les non-dits et les clair-obscur. Et ce fut clair pour tous les acteurs sur ce que le protocole a dit et ce qu’il n’a pas dit. Mais le gouvernement, très attentif à la condition enseignante, et au regard de l’exemplarité de nos enseignants durant la période de la Covid-19, leur a proposé une gratification. La gratification, juridiquement, c’est une libéralité de nature bénévole que l’employeur met à la disposition des employés. Et sa mise en œuvre, son opposabilité convoque un ensemble de conditions, lesquelles ne sont pas encore réunies. Donc nous sommes en état de promesse, et le gouvernement ne revient pas sur cette promesse, c’est un acquis.  Alors que dit la FESEN ? La FESEN de nouveau procède à une lecture lacunaire des discussions qui encadrent le droit de grève dans le secteur de l’éducation. Pour autant, devant ce spectacle assez curieux, le ministre de la Fonction publique, tout comme moi-même, avons pris le soin de rappeler les basiques en ce domaine et en invitant les enseignants à un respect scrupuleux des dispositions, sous peine de sanctions. Que des sanctions soient prises et que subitement, ceux qui ont été prévenus dans le cadre d’une lecture fine des dispositions se disent finalement  nous vivons le règne de l’arbitraire, c’est de l’imposture.  Notre République a besoin de responsabilité, de boussole. La démocratie, c’est le règne de la loi ; respectons tous la loi et vous verrez que les choses se passeront bien ».

Licenciement?

« Les gens sont dans des postures émotives et entretiennent l’amalgame. De quoi s’agit-il ? Quand vous observez une grève illégale, il y a des sanctions qui sont prévues par les lois en vigueur au Togo. Et je vous rappelle que conformément à une jurisprudence établie, le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent. Le Togo est une République de lois et sur ce point, nous ne faisons qu’appliquer les textes. Et en second lieu, sauf à méconnaître les responsabilités qui est incombent aux chefs de services et aux chefs d’établissements, il me semble pouvoir rappeler ici que quand l’autorité de police supérieure vous explique l’état du droit et vous appelle au sens de responsabilité et que des chefs d’établissement se permettent de se mettre en grève de façon illégale,  vous voudrez concrètement quoi ? Que je continue par dialoguer avec eux ? Un chef d’établissement qui désobéit aux instructions qui lui sont transmises s’expose à la rigueur de la loi, parce que le chef de service est responsable de l’organisation et du bon fonctionnement de son établissement ».

Perte des titres de directeurs et statut de simples enseignants

« Il y a deux conséquences majeures à tirer de cette grève illégale. D’abord, les conséquences attachées à la grève illégale seront appliquées. Et ça, on n’a pas encore touché à ce point. Et de l’autre, en tant que chefs de service, ils doivent respecter un certain nombre de principes, lesquels ont été méconnus en substance, et ce sont ces principes méconnus qui leur valent leur destitution. Donc, ils restent toujours enseignants, mais ils sont renvoyés à la craie. Maintenant, le reste de la procédure suit son cours normal et les jours à venir nous apporteront davantage d’éléments ».

Fermeture de la porte des négociations ?

« La doctrine des ministères des Enseignements primaires et du Dialogue social reste le dialogue. Pas plus tard qu’hier, nous avons reçu tous les syndicats, y compris la FESEN, en faisant le point sur les acquis du secteur éducatif et les défis. Aujourd’hui, nous avons besoin d’un secteur éducatif en idées et en action. Il faut des réformes structurelles et structurantes. Pour notre système, il est toujours debout, mais avec ses forces et ses faiblesses, et ces faiblesses doivent être corrigées. Au-delà de la gratification, et je vous le dis, le gouvernement ne reviendra pas sur ce point, mais ce n’est pas à coups de chantages que cela se fera. Parce que c’est une idée du gouvernement face à une lecture tronquée du protocole d’accord. Mais au-delà, il y a la question aujourd’hui des enseignants volontaires, c’est un vrai goulot d’étranglement. Mais à la vérité, quand ces enseignants (ceux qui débraient, Ndlr) regardent les enseignants volontaires qui sont payés au lance-pierre, sont-ils fiers ? Nous, nous travaillons de sorte qu’on puisse résorber ce problème qui est inacceptable. Et dans cette perspective, quand nous mettons aujourd’hui en place des périmètres pédagogiques, quand nous décidons de la revalorisation des charges statutaires, ce sont des efforts partagés pour réduire cette catégorie vulnérable.  Voilà la République de la solidarité, la République de la fraternité au cœur du mandat social du chef de l’État. Il faut regarder notre réalité en face. Aujourd’hui les salles de classes, qui les construit ? C’est un projet qui va se dérouler sur cinq (05) bonnes années, mais c’est de l’argent ! Alors, moi je voudrais beaucoup de recul, beaucoup aussi de compréhension par rapport aux enjeux du secteur de l’éducation plutôt que de se verser dans de la petite politique ou dans du populisme social qui n’apporteront rien à un secteur stratégique que nous avons en partage et en commun ».

Alternative pour une solution plus apaisée et bras de fer avec les enseignants

« Moi j’ai peur des gros mots, crise et autres, il y en a pas. Il n’y a pas un problème aujourd’hui dans le secteur de l’éducation. Nous avons été clairs, pédagogues en rappelant aux uns et aux autres les dispositions en vigueur. Ceux qui ont décidé de passer outre doivent assumer les conséquences qui en résultent. Pour autant, ce n’est pas la République du bâton. Autant nous appliquons la règle de droit, mais avec mesures et nous tenons compte aussi de nos réalités. Et donc les portes du dialogue sont toujours ouvertes, mais il revient aux uns et aux autres de rentrer désormais dans un syndicalisme constructif. La question de la gratification, je le rappelle, ne peut pas être aujourd’hui au cœur d’un quelconque débrayage ».

Simple promesse du gouvernement 

« C’était une question de prime portée par les syndicats et nous leur avons démontré clairement que le protocole d’accord n’est pas soluble dans une telle interprétation. Toutefois, reconnaissant la place de l’enseignant dans notre société et vu l’exemplarité dont ils ont fait preuve durant la crise de la Covid-19, le gouvernement voudrait les accompagner par cette gratification exceptionnelle ».

Du temps pour honorer les promesses

« Oui, c’est une question de temps, et ça leur a été rappelé, je crois, lors d’un de nos dialogues. Le ministre Bawara est revenu sur les différents investissements, la subvention de l’électricité, de l’eau, du carburant, etc. y compris la gratuité des frais d’inscription et autres pour leur faire comprendre qu’il y a des tensions de trésorerie. Pour autant, le gouvernement ne reviendra pas sur cette promesse et qui aura d’ailleurs effet rétroactif à partir de janvier 2021 ».

Solution pour une année scolaire apaisée

« La normalité scolaire, nous l’incarnons. Mais ce sont ceux qui s’agitent qui doivent comprendre que leurs méthodes sont inacceptables. Les portes de la discussion sont toujours ouvertes. Il leur vient de venir et la preuve, je vous ai dit,  le 4 novembre, nous avons reçu tous les syndicats sans exclusion. »

Eventuelles excuse des enseignants  et  modification de la décision

« Je n’ai pas de leçon à leur donner, mais il leur revient de lire entre les lignes. Nous, nos portes sont toujours ouvertes. Mais nous n’avons pas le droit à des tergiversations, parce que nous avons une ambition pour le secteur de l’éducation. Il leur revient simplement de rentrer dans les rangs et qu’on puisse toujours échanger pour le bonheur de nos enfants et du corps enseignant ».

Mot de fin 

« Je voudrais simplement rappeler à mes concitoyens que l’école nous est précieuse et le gouvernement y prête une attention particulière. Il n’y a aucune décision irréfléchie dans le secteur de l’éducation ; au contraire, nous voudrions une transformation de l’école, de la République. Le dialogue reste établi et ceux qui sont sortis du rang aujourd’hui, je les invite à y retourner, et rapidement, parce que le chantage ne construira plus cette République. On peut avoir des oppositions, on peut avoir des idées variées sur un sujet, mais nous devons arriver à dégager des solutions les plus fines et non de faux consensus ou des consensus mous qui sont de nature à nous revenir demain à la figure. Nous faisons avancer le secteur de l’éducation avec le soutien déterminé et déterminant des plus hautes autorités de l’État et je reste convaincu que l’école togolaise sera demain la meilleure, pour le bonheur de nos enfants ».

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