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Tuesday, April 23, 2024
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Togo-Kofi Yamgnane sur les coups d’Etat intervenus au Mali, en Guinée et au Burkina Faso

Les derniers développements sociopolitiques en Afrique de l’Ouest ne laissent pas indifférent le premier responsable de Sursaut-Togo, Kofi Yamgnane. Dans un entretien accordé à la Rédaction de votre journal, ce responsable politique togolais, résidant en France, analyse les coups d’Etat intervenus au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Il critique les décisions et sanctions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui n’est que l’ombre d’elle-même aujourd’hui, à force de cautionner les coups d’Etat constitutionnels et d’aider à maintenir les dictateurs au pouvoir. Bien évidemment, Kofi Yamgnane n’a pas passé sous silence la situation sociopolitique du Togo.

Croyez- vous encore en l’alternance au Togo?

Kofi Yamgnane (KY) : Bien entendu! Aussi vrai que le pouvoir éternel n’existe pas, l’alternance politique est un fait obligé dans tout pays, pour tout régime, de tout temps! Le Togo ne peut pas échapper à la règle. Cela aura mis beaucoup de temps et on attendra encore un peu de temps, mais l’alternance est inéluctablement programmée, tout comme toujours le jour se lève après la nuit…

Mais il ne faut pas attendre que seules les circonstances aléatoires la provoquent. Les circonstances favorables à l’occurrence de l’alternance doivent être créées par la main de l’homme, puisque la politique est une activité éminemment humaine. C’est le rôle central des partis politiques, même si ceux-ci ont besoin d’être aidés, poussés, aiguillonnés par l’ensemble des composantes civiles et militaires de la société togolaise. C’est bien parce que la conjonction de toutes ces composantes n’a pas encore vu le jour que le Togo vit sous la férule dictatoriale d’un seul parti et d’une seule ethnie dominés par une seule famille!

Que pensez-vous aujourd’hui de l’opposition togolaise à ce stade de la lutte pour l’alternance? – Une union ou coalition est-elle encore possible?

A ce stade et ce depuis 50 ans, il convient de plutôt parler “des oppositions” au pluriel que de “l’opposition” au singulier comme si elle était d’une nature unique… En effet, si je compte bien, il existe plus de 120 partis d’opposition au Togo. Admettez que pour un pays de 10 millions d’habitants environ, un tel nombre est tout simplement ahurissant. Rapporté à la France presque 8 fois plus peuplée, le nombre de partis politiques français, toutes choses égales par ailleurs, devrait être situé autour de 950 à 1000! Inimaginable! J’imagine fort bien les difficultés que l’on peut rencontrer à vouloir unir tout ce petit monde! C’est d’ailleurs une des causes principales de la situation actuelle du Togo, mais qui dure depuis plus d’un demi-siècle: la division! Encouragée et même créée par le pouvoir. La deuxième cause du statu quo ante du Togo, c’est l’exacerbation constatée et l’énormité des egos des “dirigeants” des partis qui se veulent et se disent d’opposition. Réduire ces egos, voilà la deuxième tâche. Troisième difficulté: aucun parti ne travaille sur un projet de société, la société nouvelle qu’il propose au peuple togolais demain, après l’alternance. Or, pas de projet de société, pas de programme de gouvernement crédible! Et donc pas de crédibilité ni à l’intérieur, ni à l’extérieur du pays. Lorsqu’on sera parvenu à donner réponse à ces premières trois difficultés (ce n’est pas impossible!), alors seulement on pourra parler d’Union ou de Coalition. Vous voyez donc que c’est possible, à condition de nous donner collectivement et démocratiquement un leadership pour un travail de préparation dans un minimum de respect, de discipline et de conscience. Est-ce hors de portée pour les dirigeants actuels des partis dits d’opposition?

Quelle est votre position aujourd’hui par rapport au Mali ?

Le Mali est habité par des peuples à civilisation millénaire. Nous autres Africains, devons être fiers des grands empereurs Mandingues dont le plus illustre, Soundiata Kéita, est à l’origine de la première Constitution humaine créant les droits de l’Homme et les libertés individuelles et collectives, bien avant Les Lumières en France. De tels peuples ne méritent pas d’être placés sous contrôle. Ils revendiquent donc aujourd’hui de retrouver leur indépendance et leur liberté. Quel mal y a-t-il de vouloir prendre en main son propre destin et de passer des accords de coopération avec qui l’on veut? C’est au nom de cette liberté que le Mali, par la voix de son Premier Ministre le Dr Choguel Maïga, a le droit d’exiger la révision des accords autrefois imposés par les gouvernements français successifs ou de dénoncer la présence de l’armée française et d’appeler qui il veut pour l’aider à assurer sa sécurité, pourvu qu’il ne soit pas assez naïf pour croire que les Russes seraient mieux intentionnés à leur égard que les Français. En tous cas, je sais que Choguel Maïga, authentique fils de l’Afrique et du Mali, en est parfaitement conscient et fera avec tous les étrangers intervenants au Mali, ce qu’il faut pour préserver l’indépendance de son pays et la dignité des peuples africains. Il a toute ma confiance, tout mon soutien et toute mon amitié.

Vous avez compris, c’est avec un vrai bonheur et une fierté non déguisée que je soutiens et soutiendrai le Mali dans son combat pour sa liberté. Mon secret espoir est qu’il transmette à tous les autres peuples en lutte de par le monde pour leur liberté, l’exemple de son courage et sa combativité. Cela ne doit pas être considéré comme un échec pour la France, comme vous le suggérez plus loin.

La CEDEAO a-t-elle vu juste ou a-t-elle exagéré dans ses sanctions ?

Beaucoup de Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO sont illégitimes et illégaux dans leur propre pays. Ils ne représentent personne d’autre qu’eux-mêmes. Or ils ont tous un agenda personnel secret qui consiste à se donner tous les moyens pour demeurer au pouvoir, perpétuellement. Ces gens-là maudissent le Mali, son armée et son peuple. Dans leur for intérieur, ils ne se disent qu’une chose: “pourvu que mon peuple ne prenne pas exemple sur le peuple malien”. Et donc naturellement, il faut sanctionner le Mali au-delà même du raisonnable, pour décourager tous les autres. Voilà ce qui a justifié une telle férocité des sanctions qui n’ont en réalité, ni queue ni tête. Heureusement que la solidarité entre les peuples frères africains s’est aussitôt mise en route. Comment pourrait-on croire que les douaniers sénégalais, libériens, guinéens, ivoiriens, ghanéens, togolais, béninois, nigérians…pourraient être prêts à empêcher le passage des marchandises de première nécessité destinées à leurs frères maliens? Peine perdue et qui devrait plutôt inciter tous ces peuples frontaliers à suivre l’exemple malien, seul chemin pour la liberté des peuples africains…

D’aucuns voient derrière les sanctions de la CEDEAO la main de la France….Etes-vous d’avis ?

Avant tout, permettez-moi d’apporter quelques précisions et pas seulement de vocabulaire: le gouvernement français n’est pas la France! La France, c’est le peuple français et lui seul. Je puis vous assurer que le peuple français n’a rien contre le peuple malien dont il ne souhaite qu’en chose : l’indépendance et la liberté. Donc dans tout ce qui suit, je dirai “le gouvernement français” et non “la France”. Dans ses diverses prises de position sur la situation du Mali, le  gouvernement français a suffisamment claironné qu’elle n’entendait pas voir le Mali prendre  quelque liberté que ce soit. Au contraire, le gouvernement français s’est réinstallé au Mali à l’image de ses grands colonisateurs du 19ème siècle.

Il entend faire respecter, de gré ou de force, les différents “accords” que ses prédécesseurs ont imposés à tous leurs colonisés la veille des indépendances de ceux-ci, accords léonins en matière de défense, d’économie, de monnaie, etc., par lesquels il tient les deux bouts de la ficelle qui a noué les Africains durant des siècles et qui continue de les étrangler encore aujourd’hui et ce, depuis les années 1960, années des “indépendances”. L’indépendance accordée du bout des lèvres n’avait pour objectif et mission que de continuer la colonisation sous d’autres formes ; tout comme la colonisation s’était donné pour mission de poursuivre l’esclavage sur place…en Afrique! De là à imaginer et “voir la main de la France dans les sanctions de la CEDEAO”, cela me paraît un tantinet exagéré! Certes parmi les dirigeants de la CEDEAO, j’en connais beaucoup qui ne sont que la voix de leur maître, le gouvernement français. Ceux-là ont choisi “la servitude volontaire”, comme aurait dit La Boétie. Ils se reconnaîtront…J’en connais aussi quelques autres dont la fierté, le sens de l’honneur, la personnalité…n’autorisent aucun ordre du type “couche-toi là!”…plutôt mourir. Donc ces sanctions, le gouvernement français les a sans doute rêvées, mais il ne peut les avoir dictées aux authentiques Chefs d’Etat africains dont je vous ai parlé ci-dessus. Eux aussi se sont reconnus!

Que conseilleriez-vous aux Africains ? Rompre avec la France, ou renégocier les différents accords conclus avec elle ?

Les accords signés (ou plutôt imposés) avec les gouvernements français de l’époque de l’accès à l’indépendance ont aujourd’hui environ 60 ans. Depuis, le monde a changé. Une demande de relecture de ces accords n’a donc logiquement rien de scandaleux. Mais pour cette relecture, il faut que les protagonistes se mettent d’accord autour de la table. Il ne peut pas y avoir de discussion sur une telle évidence. Du reste, l’alternative ne peut pas être située entre l’acceptation de la relecture ou la rupture! La seule perspective est bien une renégociation sur un pied d’égalité et dans l’intérêt bien compris des uns et des autres. Nous sommes tous assez sages pour y parvenir. Il y a un nouveau vent de panafricanisme qui souffle depuis ces dernières années comme dans les années 50 et 60. Cela ne fait-il pas peur ?

Je ne vois pas à qui et pourquoi cela devrait faire peur. Chaque peuple a le droit de disposer de lui-même dans la limite du respect des autres peuples. De par le monde, tous les autres peuples, sauf les Africains, se reconnaissent et se regroupent soit selon leur culture et leurs civilisations (Fédération de Russie, par ex.) ou bien sur un projet politique commun (Union européenne, par ex.). Je ne vois donc pas au nom de quelle logique les Africains devraient être empêchés de se retrouver sur l’ensemble du continent. Si nous restons divisés et continuons à camper chacun sur son quant-à-soi, nous serons dominés, asservis. C’est ce que les plus grands Africains d’entre nous ont toujours prêché: Chaka Zoulou, Marcus Garvey, Gamal Nasser, Kwame NKrumah, Sékou Touré…etc. Il est donc temps de passer à l’action qui unira tous les peuples africains de l’ensemble du Continent. Ensemble, nous sommes plus forts que désunis. L’Afrique n’a pas d’avenir sans son unité et l’unité de l’Afrique a comme base idéologique le Panafricanisme. Voilà ma vision de l’Afrique aujourd’hui en tant que panafricain. Et je mettrai toutes mes forces, toute mon intelligence, toute ma disponibilité dans ce combat pour l’Unité africaine et donc  pour le panafricanisme.

Source : L’ALTERNATIVE N°1001 du Vendredi 28 janvier 2022

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Qwerty
January 31, 2022 10:39 pm

Ramener tous ces maliens qui trainent en France se lavant les pieds dans les gars de metro de retourner defendre leurs pays…A-t-on besoin des programes de Le Pen pour comprendre cela???

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