Les musulmans du monde entier célèbrent le Ramadan ce vendredi 21 avril 2023. Mais à Khartoum, la capitale du Soudan, les croyants d’Allah vivent ce jour spécial avec craintes et panique. La pression diplomatique s’intensifie pour mettre fin aux combats au Soudan qui ont fait plus de 300 morts. L’ONU, les États-Unis et d’autres pays ont fait pression pour une trêve de trois jours pour marquer la fête musulmane de l’Aïd al-Fitr. Qu’y a-t-il derrière ce combat ?
Depuis samedi, de violents affrontements entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces paramilitaires de soutien rapide (RSF) font rage dans la capitale Khartoum et dans d’autres zones stratégiques du pays. Bien qu’on ne sache pas qui a initié les combats, la situation amène le chef de facto du Soudan, le général Abdel Fattah al-Burhan, des SAF, à s’affronter directement avec son adjoint, le général des RSF Mohamed Hamdan Dagalo, également surnommé « Hemetti .”
Les deux dirigeants avaient auparavant travaillé ensemble, renversant le régime d’al-Bashir en 2019 et orchestrant un coup d’État militaire en octobre 2021 qui a destitué le Premier ministre civil et le cabinet et suspendu la constitution. Mais après que les SAF, les RSF et les dirigeants politiques civils se soient mis d’accord sur un nouveau cadre pour une transition démocratique en décembre, des questions ont émergé sur la manière dont les RSF seraient intégrées dans les SAF, ainsi que sur qui assumerait la direction de l’armée nouvellement consolidée.
Les négociations pour résoudre les problèmes sont au point mort et les tensions ont rapidement augmenté entre al-Burhan et Hemetti dans les semaines qui ont précédé les violences actuelles. Bien que les détails immédiats aient été difficiles à discerner, il est clair que les deux parties se battent pour le contrôle des principales institutions du pays, car les rapports indiquent qu’une grande partie des combats s’est concentrée autour d’endroits tels que le palais présidentiel, le quartier général militaire des SAF et l’aéroport de Khartoum.
De nombreux pays de la région, ainsi que de grandes puissances comme les États-Unis, ont appelé à la fin des hostilités, et les efforts pour obtenir un cessez-le-feu sont en cours. Il y a encore une chance d’empêcher que la situation ne dégénère davantage. Mais même avec une médiation réussie, cette flambée de violence menace d’affaiblir la stabilité déjà fragile du Soudan, et pourrait également saper la paix dans la région élargie de la Corne de l’Afrique.
Une forme de combat sans précédent
Les combats sont différents de ce que le Soudan a connu dans le passé. Au cours des précédentes guerres civiles au Darfour, au Nil Bleu et au Kordofan méridional (monts Nouba), le gouvernement soudanais ou des groupes paramilitaires ont combattu des mouvements de résistance armée. Aujourd’hui, les SAF combattent une force paramilitaire créée par le régime Bashir. Le RSF n’est pas un groupe «rebelle» – il est reconnu par la loi et a été développé, toléré et soutenu comme un instrument du pouvoir de l’État, ce qui rend la situation beaucoup plus compliquée.
Cela ne change pas le risque de pertes civiles ni ne modifie les chances qu’une guerre se propage à travers le pays. Les médias ont déjà confirmé que la violence s’est propagée à d’autres régions du Soudan, notamment Kassala, Gedaref et Port Soudan à l’est et le Darfour à l’ouest.
Réactions internationales et régionales
Une déclaration commune du “Quad pour le Soudan” (États-Unis, Royaume-Uni, Émirats arabes unis et Arabie saoudite) fait écho aux appels au calme lancés par chaque pays individuellement. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a publié une déclaration et lancé des appels à al-Burhan et Hemetti.
L’inquiétude internationale face à cette escalade de la situation a même réussi à l’emporter sur la concurrence mondiale entre les États-Unis et la Chine et les tensions liées à la guerre en Ukraine, le Conseil de sécurité de l’ONU appelant à cesser immédiatement les hostilités, à rétablir le calme et à reprendre les négociations.
Un communiqué de l’armée soudanaise a indiqué que le général Burhan avait reçu des appels des dirigeants turc, sud-soudanais et éthiopien, ainsi que de M. Blinken et des ministres des Affaires étrangères saoudien et qatari.
D’éminents dirigeants, dont l’ancien président Mbeki, ont ajouté leurs voix appelant à une fin rapide de la violence. L’ancien Premier ministre Hamdok a, pour sa part lancé un appel similaire et a mis en garde contre le risque d’une guerre régionale.