Cet article porte sur un nouveau rapport spécial de 1952 de la Mission de visite de l’ONU au Togo sous tutelle. Il nous révèle encore beaucoup de choses que nous ne connaissons pas encore et que nous devons connaître. C´était un moment d’injustice, de lutte et de souffrance morale pour ceux qui l´ont vécu. Nous devons reprendre cette lutte sur l´unification des deux Togos. C´est mon combat politique.
La différence d´opinion au lendemain des deux grandes Guerres mondiales, entre les nationalistes du CUT et JUVENTO, défenseurs de l´unification et l´indépendance des deux Togos d´une part, et les cadres du PTP et MPCN, partisans de l´union française d´autre part, a largement contribué à la réussite de la stratégie et du plan caché du gouvernement Kwame Nkrumah pour le rattachement d´une partie de notre pays à la Côte-de-l´Or, actuel Ghana. Le gouvernement local de ce pays à l´époque, dirigé par Kwame Nkrumah, a largement profité de leur division. Cette division avait sacrifié l’intérêt de tout un peuple et celui des générations futures. Que Dieu nous épargne de ce genre de dirigeants politiques.
Je ne peux pas comprendre comment les enfants d´un même pays qu´ils étaient, ne pouvaient-ils pas lutter pour la même cause qui est l´unification d´un territoire divisé, alors que non seulement cette partie du territoire risquait d´être avalée par leur voisine, la Côte-de-l´Or mais encore leurs frères et sœurs du Togo sous administration britannique risquaient aussi d´être coupés définitivement de leurs frères et sœurs du Togo sous administration française ? Ce problème me tient vraiment à cœur et ça me fait très mal quand j´y pense depuis que je suis en possession de ces documents et découvre la vérité sur la question de l´unification et de la manière dont ce référendum a été organisé en 1956. J´ai tous les documents sur la question. Il faut voir la vérité en face et connaître les raisons de cet échec de l’unification des deux Togos. Les cadres et militants du PTP (Parti togolais du progrès) et MPCN (Mouvement des populations et chefs du Nord-Togo) étaient en partie responsables. Ils avaient sacrifié le destin de ce territoire du Togo britannique et celui de nos frères et sœurs de cette partie de notre territoire pour n´avoir pas lutté pour l’unification mais au contraire pour rentrer dans l´union française que voulait la France. Aujourd´hui encore on a des dirigeants politiques au Togo qui sacrifient le Togo et l´intérêt national au profit de la France et d´autres pays étrangers. C´est doublement triste. C´était triste pour hier et c´est aussi triste pour aujourd´hui car cette traîtrise continue. Honte à ceux qu´hier avaient sacrifié ce pays et honte à ceux qui aujourd´hui le sacrifient encore au profit des puissances étrangères.
Le contenu de ce rapport spécial établi en 1952, quatre ans avant ce référendum montre que l´opinion des Togolais était majoritaire pour l´unification des deux Togos. Même CPP, le parti du pouvoir local de la Côte-de-l´Or et l´autorité administrante (gouvernement britannique) en étaient conscients.
La Mission de visite de l´ONU dans ces deux territoires en 1952 aussi l´avait constaté lors de son séjour. Quatre ans plus tard on nous dit que le oui pour le rattachement l’a emporté. Tout était planifié par le gouvernement local de la Côte-de-l´Or et le rattachement a été imposé par le biais d´un référendum et ils ont réussi ce plan fatal pour le Togo. Rappelons que c´est lors d´une nouvelle Mission de visite de 1955 des Nations-Unies dans ces deux territoires que l´organisation de ce référendum a été décidée et qui a eu lieu un an plus tard. Tout Togolais qui a le sens du patriotisme le regrettera toujours.
Les réformes constitutionnelles de 1951 à la Côte-de-l´Or par le gouvernement Kwame Nkrumah ont été suivies de modifications importantes dans l´administration locale de la Côte-de-l´Or et du Togo britannique. Le territoire sous tutelle était désormais administré comme si c´était une partie de la Côte-de-l´Or. Les lois qui étaient faites pour la Côte-de-l´Or sont appliquées aussi au territoire togolais sous tutelle britannique. Dans les faits, les pouvoirs d´administration confiés à l´autorité administrante qui était le Royaume-Uni sont désormais passés entre les mains du gouvernement local de la Côte-de-l´Or. Ce glissement progressif vers le rattachement ne laisserait aucune chance au référendum du 9 mai 1956 pour que l´unification puisse l´emporter. Les cadres de All-Ewe Conference et ceux de Togoland Congress ont dénoncé cet état de faits auprès de la Mission de visite en 1952. Il faut dire que tout était planifié pour aboutir au rattachement à la Côte-de-l´Or. Malheureusement l’ONU n´a pas pris au sérieux ces dénonciations. Chacun de nous doit savoir que nos frères n´avaient pas choisi le rattachement.
Le rapport de la Mission de visite des Nations-Unies dans ces deux territoires en 1952 dont je fais cas ici nous montre quel a été l´état de l´opinion des Togolais sur la question de l´Unification en 1952. Le titre de ce rapport de 1952 est : « Rapport spécial sur la question des Éwés et de l´unification du Togo ». Un autre rapport de même année a pour titre « Rapport sur le Togo sous administration britannique ». C’est du rapport sur la question des Éwés et de l´unification du Togo que je parle dans cet article. Dans le chapitre consacré à la géographie et population du Togo britannique, le rapport révèle qu´en 1952 les Éwés au Togo britannique étaient 138.996 et les Éwés au Togo français à cette période étaient 175.929. Nos frères et sœurs au Nord aussi ont subi la même injustice que les Éwés au Sud. Les chiffres montrent aussi dans ce rapport spécial, que les Konkombas étaient 53.381 dans la partie du Togo britannique et 17.971 au Togo sous administration française. Vous voyez qu´une grande partie des Konkombas était victime aussi de cette division du Togo. Pour les Mobas, il y avait 29.209 au Togo sous administration britannique et 59.354 au Togo sous administration française. Pour les Kotokolis, ils étaient 6.952 au Togo britannique et 49.165 au Togo sous administration française. Les Tchokossis étaient 10.216 au Togo britannique et 11.706 au Togo sous administration française. Nos frères de Bassar étaient 6.881 au Togo britannique et 27.590 au Togo sous administration française.
Vous voyez que c´était une douleur nationale et immense pour les familles qui du jour au lendemain se sont séparées de leurs frères. Cela veut dire qu´après ce partage du Togo en deux, ces tribus se sont retrouvées à cheval entre le Togo britannique et le Togo français. Les Konkombas, les Mobas, les Kotokolis, les Tckokossis et les bassaris qui étaient dans la partie du Togo britannique réclamaient aussi l´unification du Togo pour retrouver leurs frères du Togo français. Au Nord il y avait certaines tribus du Togo dont une partie se trouvait dans le Togo britannique et l’autre partie dans la Côte-de-l´Or. Celles-là voulaient le rattachement à leurs frères de la Côte-de-l´Or et non l´unification des deux Togos. Ce sont : les tribus Nanumba, Dagomba et Mamprusi. Au moment du partage du Togo en deux, ces trois tribus n’étaient pas à cheval entre le Togo français et Togo britannique mais étaient entièrement dans la partie du Togo britannique et une partie de leur tribu se trouvait dans la Côte-de-l´Or. C´est pourquoi ces tribus ne voulaient pas l´unification mais préféraient le rattachement à la Côte-de-l´Or pour retrouver leurs frères dont elles se sont séparées au temps du Togo allemand.
Mais ce que je n´arrive pas à comprendre, pourquoi les tribus konkomba, Moba, Kotokoli, Tckokossi et bassar dans la partie du Togo britannique voulaient l´unification aussi comme les Éwés du Sud mais leurs frères au Nord de la partie du Togo français regroupés dans un mouvement dénommé MPCN (Mouvement des populations et des chefs du Nord-Togo) ne luttaient pas pour l´unification mais voulaient rentrer dans l’union française en abandonnant leurs frères de la Côte-de-l´Or ? C´est triste.
À l´égard de l´unification, voilà la position des deux partis politiques (PTP et MPCN), amis de la France que la Mission de visite de l´ONU avait résumée ainsi dans le rapport en 1952. Les deux partis avaient une position commune :
a) Ils s´opposent à l´unification des Éwés.
b) Ils acceptent le principe de l´unification des deux territoires du Togo à condition que le Togo unifié soit placé sous administration française. C´est à cette seule condition qu´ils acceptent l´unification.
c) Ils s´opposent aux demandes d´indépendance immédiate du Togo, qu´ils considèrent comme une tentative faite par le Comité de l´Unité togolaise pour réunir le Togo à la Côte-de-l´Or.
d) Ils désirent que le Togo poursuive son développement dans le cadre de l´union française.
Le MPCN s´oppose surtout à l´unification des Éwés car selon eux dans le rapport, s’il y a unification des Éwés, le Nord du Togo français sera privé de la mer au Sud. Voilà surtout leur argument. Rappelons que jusqu´en 1949, l´unification et l´indépendance que réclamaient All-Ewe Conférence et le CUT portaient uniquement sur les Ewés. C’était à partir de 1949 que leur position avait évolué et ils luttaient pour l´unification des deux territoires et leur indépendance. Alors, dans le rapport fait par la Mission de visite, le CUT avait donné des explications, pourquoi ils ont changé de position et ils ne demandaient plus l´unification des seuls Éwés mais de tout le Togo britannique avec le Togo français.
Voilà leur réponse :
« L´administration locale (dans le Togo sous administration française) fait courir des bruits au sujet du Comité de l´Unité togolaise et prétend notamment que la politique du Comité est pro-britannique et vise à rattacher le Togo à la Côte-de l´Or ; elle provoque de l´agitation parmi les tribus non Éwés, surtout dans le Nord du territoire, en déclarant que le peuple Éwé cherche à créer un État Éwé dont seraient exclues les autres tribus. Pour lutter contre cette propagande qui nuit à notre cause, nous avons cherché un terrain d´entende avec les autres tribus du Togo et même avec le Parti togolais du progrès : ce terrain d´entende, c´est l´unification des deux Togos et leur indépendance ».
Même avec ce changement de position du CUT à partir de 1949 pour réclamer l’unification des deux territoires et non seulement l´unification des Éwés, le PTP et le MPCN n´ont pas soutenu cette unification et l´indépendance des deux territoires. Au fait, ils n´ont pas refusé le principe d´unification des deux Togos mais ils l´avaient conditionnée car Ils étaient pour l´union française et non pour l´indépendance et comme les nationalistes voulaient l´unification et l´indépendance. S´ils avaient tous la même position pour l´unification sans condition, le gouvernement Kwame Nkrumah aurait-il réussi sa stratégie pour le rattachement du Togo Britannique au Ghana ? Dieu seul sait dans ce cas de figure.
Soulignons aussi qu´un conseil mixte pour les affaires togolaises était mis en place entre-temps. Il a remplacé la commission consultative. Il était composé de 21 délégués : 6 délégués pour le Togo britannique et 15 délégués pour le Togo français. Ainsi en ont décidé les autorités administrantes car selon elles, la superficie de ces deux territoires n´était pas la même mais les délégués du Togo britannique n´étaient pas d´accord. Ils voulaient un nombre égal des délégués pour les deux Togos.
La mise en place de ce conseil mixte composé des délégués du Togo des deux côtés avait pour objectif de traiter les problèmes que rencontraient les populations des deux territoires et la suppression des postes de contrôle aux frontières installés au Sud comme au Nord à l´entrée du Togo britannique comme à l´entrée du Togo français. Ce conseil mixte a échoué. C´était un échec car les délégués du Togo britannique voulaient que le nombre de leurs délégués soit égal au nombre des délégués du Togo français dans ce conseil mixte afin qu´ils ne soient pas mis en minorité pendant les débats et votes. En plus les partisans de l´unification ne n’étaient pas d´accord sur la modalité du choix des délégués qui devraient siéger dans ce conseil mixte. Le conseil mixte a deux co-présidents. Un pour les délégués du Togo français et un pour les délégués du Togo britannique. Il a été décidé que le co-président des délégués du Togo français préside les séances qui se tiendraient au Togo français et le co-président des délégués du Togo britannique préside les séances qui se tiendraient aussi au Togo britannique.
Cela aurait pu être une chance pour traiter aussi les questions d´unification mais ça m’étonnerait car les gens de PTP et MPCN conditionnaient cette unification à l’entrée dans l´union française alors que le camp de CUT, JUVENTO et All-Ewe conférence n’en voulaient pas. Ils préféraient l´indépendance.
Il y a aussi un autre point à soulever ici. Les partisans de l´unification et de l’indépendance n´ayant plus confiance en ces deux autorités administrantes (France et Royaume-Uni), avaient demandé à la Mission de visite de l´ONU que les deux Togos fussent retirés de leur tutelle pour confier l´administration à un Haut-commissaire nommé par l´ONU. Ce dernier va les administrer pour cinq ans et ensuite ils accéderaient à l´unification et à l´indépendance. Mais les cadres de PTP et MPCN ne sont pas de cet avis. Ils voulaient plutôt demeurer sous tutelle de la France.
La première session de ce conseil mixte a pu avoir lieu avec 5 séances. La première séance consacrée à l´ouverture de cette session s´est tenue à Lomé le 1er août 1952, la seconde séance le 5 août,
la troisième séance le 6 août, la quatrième séance le 8 août, la cinquième et dernière séance s´est tenue le 9 août 1952. Il y avait des absences dans les rangs de ceux qui sont pour l´unification car ils n´étaient pas d´accord sur certains points comme par exemple le nombre de leurs délégués et le mode de désignation des délégués qui devraient siéger dans le conseil mixte. À cette dernière séance, les partisans de l’unification ont lu un mémorandum et demandé la suppression du conseil mixte car ils n´ont pas eu satisfaction de leur revendication pour le fonctionnement équitable du conseil mixte.
Les 15 délégués composant le groupe du Togo sous administration française dans ce conseil étaient en majorité des membres de PTP. Le CUT a peu de sièges parmi les délégués du Togo français. Parmi les sièges de délégués octroyés au Togo britannique, il y avait aussi les délégués de la région de Manprusi et celle de Dagomba-Nanumba mais ces deniers n´étaient même pas venus au conseil mixte car ils ne voulaient pas l´unification des deux territoires comme je l´ai expliqué plus haut. Les tribus Manprusi, Dagomba et Nanumba sont des tribus entièrement dans le Togo britannique et non à cheval entre le Togo britannique et le Togo français obéissaient à leurs chefs traditionnels qui voulaient le rattachement à la Côte-de-l´Or contrairement aux Kokombas, Mobas, Kotokolis, Tchokossi et bassaris du Togo britannique qui voulaient l´unification car une partie de leurs tribus se trouvait dans le Togo français. Au même moment le gouvernement de Kwame Nkrumah et son parti CPP étaient très actifs pour atteindre leur objectif qui était le rattachement du Togo britannique à la Côte-de-l´Or. Pour atteindre cet objectif, ce parti a créé des sections du parti CPP dans le Togo britannique. Cela avait provoqué des tensions dans le Togo britannique car les partisans de l´unification dans cette région considéraient CPP comme un parti étranger dans la région qui cherchait à semer de confusion.
Il faut que chacun de nous sache aujourd´hui, qui a fait quoi et l´unification des deux Togos n´avait pas pu avoir lieu et le gouvernement de la Côte-de-l´Or a réussi son plan de rattachement d´une partie de notre pays au leur. Aujourd´hui encore cela continue avec la division des partis politiques qui sont en place. Nous devons réfléchir et prendre conscience que nous sommes en partie responsables de nos propres malheurs tout le temps. PTP et MPCN ont sacrifié le destin de nos frères du Togo britannique au profit de la France dont l´intérêt est l´Union française avec ses colonies. Il est temps que cela cesse si nous voulions du bien pour ce pays. Même s’ils ne sont pas responsables de ce rattachement du Togo britannique au Ghana, il faut admettre objectivement sans parti pris que leur refus de lutter pour l´unification a contribué à la réussite de Kwame Nkrumah dans son plan d´avaler le Togo britannique.
Pour pouvoir atteindre cet objectif de reprise de notre territoire, il faut de l´unité des Togolais et du patriotisme sans lesquels, on n´y arrivera pas. J´aurai besoin du soutien de tous les Togolais pour cela.
Nos frères du Sud comme au Nord ont énormément souffert de la division du Togo. Jusqu´aujourd´hui ils en souffrent encore. Cette souffrance n´est pas seulement celle des Éwés dans le Togo britannique mais aussi de nos frères Konkombas, Mobas, Tckokossis, et de bassar dans cette partie au Nord du Togo britannique. Personnellement, je lutte pour une cause nationale et non pour une région. J´invite tout le monde à lire ces documents et non pas les garder dans son appareil whatsApp. C´est par ce moyen que nous pouvons transmettre ces informations aux futures. Tout Togolais doit savoir exactement la vérité sur cette question de l’unification et les raisons de l´échec. On ne doit plus se contenter de dire qu´il y avait un référendum le 9 mai 1956 et que le rattachement à la Côte-de-l´Or l´avait emporté sur l´unification. J´attends seulement la mise en place de mon parti pour saisir l´ONU.
Comme pour celui de 1955, un an avant le référendum de 1956, je mettrai aussi ces deux rapports de 1952 de la Mission de visite de l´ONU à la disposition des Togolais pour qu´ils le lisent. Tous ces documents suffisent largement pour mieux comprendre ce moment injuste que nos frères ont vécu.
Ceux qui pensent que Kwame Nkrumah, était un grand homme d´État, ce n´est pas mon point de vue car c´est lui l´artisan principal de ce rattachement du Togo britannique à la Côte-de-l´Or. On ne va pas laisser cette partie du territoire au Ghana. C´est de l´injustice pure. Ce sera mon combat politique.
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